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Et si la démocratie s'invitait dans l'entreprise ?

Et si la démocratie s’invitait dans l’entreprise ?

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Si l’association des citoyens aux décisions publiques se développe depuis plusieurs décennies en France, ce phénomène peine à se diffuser dans le monde du travail. Les travailleurs sont peu associés à la vie de leur entreprise et aux décisions qui la concernent (ses finalités, ses profits, les services/produits proposés, etc.). Ce que les sociologues appellent la “démocratisation du travail” apparaît pourtant comme une nécessité dans un contexte d’après-pandémie et de crise climatique, qui bouleverse notre rapport au travail et notre modèle économique.

Et si la démocratie s’invitait dans l’entreprise ?

Nous avons échangé avec Isabelle Ferreras, sociologue et politologue, professeure à l’Université de Louvain, sur l’association des travailleurs aux décisions de leur entreprise, les enjeux que cela soulève, les freins auxquels elle fait face et les formes concrètes que cette participation pourrait prendre.

Voici quelques bribes de cette conversation riche qui apporte de nouvelles pistes de réflexion sur l’organisation du travail telle qu’elle existe aujourd’hui en France…

  • Vos travaux portent sur la nécessité de donner plus de pouvoir aux travailleurs au sein de leur entreprise pour leur permettre de peser sur les décisions qui la concernent. En quoi ce n’est pas déjà le cas ? En quoi le fonctionnement des entreprises n’est pas démocratique ?

Nous ne pouvons pas considérer aujourd’hui que le fonctionnement des entreprises soit démocratique en raison de ce que j’appelle la contradiction capitalisme/démocratie. 

Dans le champ politique, des règles de fonctionnement communes s’appliquent à tous et toutes en vertu de l’idéal démocratique. Ainsi, chaque citoyen dispose d’un droit de vote, égal à celui des autres, lui permettant d’élire ses représentants. Les mécanismes de représentation et d’élection existants sont perfectibles, mais des moyens sont mis en œuvre pour tendre vers cet idéal, en partant du principe qu’il n’est jamais réellement fini.

“Tandis que chaque individu a les mêmes droits en démocratie, le système capitaliste alloue les droits et les pouvoirs de décision en fonction des capitaux apportés dans l’entreprise.” 

Dans le champ économique, il n’en est rien. Le capitalisme prend le pas sur la démocratie. Tandis que chaque individu a les mêmes droits en démocratie, le système capitaliste alloue les droits et les pouvoirs de décision en fonction des capitaux et de l’argent apportés dans l’entreprise. Plus une personne investit du capital, plus elle peut exercer des droits politiques et prendre part aux décisions prises au sein de l’entreprise.

  • De fait, si vous n’avez pas injecté d’apports en capital, vous n’avez pas de droits politiques, vous n’êtes pas un citoyen de l’entreprise. Vous faites fonctionner l’entité politique qu’est l’entreprise sans avoir le pouvoir de peser sur les décisions, ce qui est le cas des travailleurs. 

“La perspective de démocratisation renverse la hiérarchie entre capital et travail : alors que le capital est survalorisé dans le capitalisme, la démocratisation suppose que chaque individu détient les mêmes droits au sein de l’entreprise.”

  • Pour vous, le principal frein à la démocratisation réelle du travail est donc le système capitaliste ?

Oui,  le principal obstacle à la démocratisation est l’idée que seuls ceux qui apportent du capital au sein de l’entreprise sont légitimes de se positionner sur tous les enjeux qui la concernent.

La perspective de démocratisation renverse la hiérarchie entre capital et travail : alors que le capital est survalorisé dans le capitalisme, la démocratisation suppose que chaque individu détient les mêmes droits au sein de l’entreprise. Dans ce cas, chaque personne aurait une légitimité à prendre part aux décisions de l’entreprise grâce à son investissement dans son travail, qui serait considéré comme aussi important et précieux que l’apport en capital.

Si on va un peu plus loin, l’apport en capital provient toujours de quelque chose qui est extérieur aux individus : un avoir, une fortune, etc. Il ne s’agit pas d’un investissement personnel, de sa personne, de son temps, de son esprit… Alors que les travailleurs investissent leur santé mentale et physique dans leur travail. On l’a vu lors de la pandémie : certaines personnes risquent leur vie en travaillant.

Le seul risque qu’un apporteur de capital prend est de perdre ce qu’il a investi. Ce qui est, toute proportion gardée, moins grave que les burn-out profonds ou bien les suicides liés au travail. Ce sont des faits de civilisation qui témoignent du cœur même de ce qui se joue dans le gouvernement du travail capitaliste. Ce constat rend d’autant plus injuste le fait que les travailleurs, contrairement aux apporteurs en capitaux, ne soient pas associés aux décisions.

“La justice distributive ne suffit pas, il est également nécessaire de tendre vers une justice politique pour que les travailleurs puissent prendre part aux décisions prises par leur entreprise, d’autant plus qu’ils sont les seuls à qui elles s’appliquent.”

Suite à la pandémie, de nombreuses paroles ont exprimé qu’il fallait plus de justice distributive en augmentant les bas salaires des “travailleurs essentiels ». C’est une évidence, mais il n’y a pas encore de décisions politiques en ce sens, alors même que les plus riches ont profité de cette pandémie.

Par ailleurs, la justice distributive ne suffit pas, il est également nécessaire de tendre vers une justice politique pour que les travailleurs puissent prendre part aux décisions prises par leur entreprise, d’autant plus qu’ils sont les seuls à qui elles s’appliquent. Or le principe démocratique veut que lorsqu’une règle pèse sur un individu, il doit pouvoir y prendre part. 

  • Une fois ce constat posé, on peut s’interroger sur la manière dont s’est diffusé l’enjeu de la démocratisation du travail et la nécessité d’étendre l’idéal démocratique au monde des entreprises.

La nécessité de démocratiser le travail a pris racine dans un double phénomène : les évolutions du droit du travail et le passage d’une économie industrielle à une société de services. 

En matière de droit du travail, la 2ᵉ Guerre Mondiale a été déterminante puisque la création des comités d’entreprises faisait partie des propositions du Conseil National de la Résistance. À cette époque, l’objectif est d’étendre la citoyenneté dans le monde du travail, en reconnaissant l’investissement des travailleurs au-delà du salaire qui leur est attribué. Les travailleurs sont considérés comme des participants à la vie de l’entreprise, ce qui mène en 1982 aux lois Auroux dont le préambule est : “citoyen dans la cité, citoyen dans l’entreprise”.

Le second phénomène dans lequel la nécessité de démocratiser le travail prend racine est le passage d’une économie industrielle à une société de services. Jusqu’aux années 1970, les ingénieurs sont co-décisionnaires dans l’entreprise : ils pensent le processus d’organisation du travail tandis que les ouvriers exécutent.

“Le moment d’exécution lui-même nécessite une véritable appropriation des finalités du travail, ce qui implique de peser sur celles-ci.”

Dans les années 1970, on bascule vers un régime de services dans le monde occidental, où plus de 80% de l’activité est issue du secteur tertiaire. La division du travail qui existait jusqu’alors ne tient plus. Il y a une prise de conscience du fait que les salariés doivent participer à la conception du travail et pas uniquement à son exécution. Il n’est plus possible de considérer qu’il suffit de s’en tenir à exécuter des principes édictés a priori. Le moment d’exécution lui-même nécessite une véritable appropriation des finalités du travail, ce qui implique de peser sur celles-ci. 

Pour prendre un exemple, imaginez que vous travaillez dans une entreprise qui vend des plateformes participatives en ligne. Quand vous vendez une plateforme à une entreprise X, ce n’est pas la même chose que quand vous la vendez à l’entreprise Y. Vous allez souvent adapter le produit, écrire quelques lignes de code pour vous adapter aux besoins du client. Dans ce cas, vous pesez sur les finalités du travail, vous ne pouvez pas vous appuyer sur un plan d’exécution qui a été mis au point et ne doit plus bouger.

Cet exemple montre que dans une société de services, il est nécessaire de se mettre à la place du client, d’adopter son point de vue pour adapter le service à ses besoins. Cela implique une certaine marge de manœuvre. Il ne s’agit plus d’un régime taylorien qui repose sur une séparation étanche entre conception et exécution du travail, entre l’ingénieur qui conçoit le plan de la ligne de production et l’ouvrier à la chaîne qui se contente d’appliquer.

Ces deux phénomènes : l’évolution du droit du travail et le passage à une société de services, ont contribué à mettre en évidence la nécessité d’associer les travailleurs aux décisions prises par leur entreprise.

  • Ce qui semble malgré tout s’être imposé en France est plutôt un modèle “soft” où la participation des salariés à la vie de leur entreprise s’exerce aujourd’hui en France principalement par le biais d’institutions de représentants (délégués du personnel, comité d’entreprise, syndicats)…

C’est là qu’entre en jeu la distinction entre gérer et gouverner. Dans une organisation, il y a deux types de décisions prises : les décisions de gestion et les décisions de gouvernement.

Les décisions de gestion, on les connaît bien : comment va-t-on parvenir à un tel objectif ? On déploie ensuite les moyens nécessaires à la réalisation de cet objectif, dont la définition n’a pas été discutée collectivement.

Les décisions de gouvernement, quant à elles, portent sur les finalités poursuivies par l’entreprise : quels types de services veut-on offrir, quels types de profits veut-on faire,  vers qui va-t-on distribuer ce profit ? Dans les entreprises capitalistes, ces questions sont généralement réservées à ceux qui apportent du capital dans l’entreprise. Les travailleurs ne sont pas amenés à se positionner sur les questions de gouvernement.

Ils sont principalement associés aux décisions de gestion via le Conseil social et économique (CSE). Cette instance constitue l’embryon d’une chambre de représentation de tous les travailleurs. Il s’agit d’un organe purement consultatif avec des pouvoirs sur un petit nombre de prérogatives : des questions relatives à l’organisation du travail, à la santé/sécurité au travail, et bien sûr un droit à l’information. Mais il ne s’agit pas d’une seconde chambre, en plus du Conseil d’administration, qui serait véritablement amenée à se positionner sur des décisions de gouvernement.

Le Conseil d’administration, lui, est composé de représentants des apporteurs en capitaux qui ont le droit de peser sur le gouvernement de l’entreprise. C’est cet organe qui détermine les finalités de l’entreprise, dont émane un comité exécutif chargé de mettre en œuvre la politique qu’il a établie.

“On observe des tentatives de recyclage de la démocratisation des entreprises, de manière à ce qu’elle soit moins dérangeante pour le capitalisme.”

  • Depuis quelques années, le monde du travail voit toutefois émerger de nouveaux concepts et principes tels que l’holacratie, l’entreprise libérée, le management collaboratif… (1) Est-ce le signe d’avancées en matière de partage du pouvoir au sein des entreprises ? 

Il y a en effet une tendance managériale qui vise à associer de plus en plus les travailleurs aux décisions de gestion. Mais il s’agit d’une forme de récupération et de stratégie pour ne pas associer les travailleurs aux “vrais sujets”. On peut voir cela comme des tentatives de recyclage de la démocratisation des entreprises, de manière à ce qu’elle soit moins dérangeante pour le capitalisme.

Ces pratiques restent intéressantes car elles permettent d’observer comment peut être mise en œuvre une véritable discussion participative sur des sujets liés à l’entreprise. Mais l’enjeu est de ne pas se laisser enfermer dans les décisions de gestion et de mettre entre les mains des travailleurs les décisions de gouvernement. 

Car la démocratisation ne peut pas s’arrêter à des questions de gestion. On ne peut pas dire “on adopte le fonctionnement d’une entreprise libérée, mais toutes les questions sur lesquelles le Conseil d’administration se positionne, la rémunération des actionnaires, les finalités de l’entreprise, ce n’est pas entre les mains des travailleurs”.

“C’est toute la question aujourd’hui : comment va-t-on prendre en compte la nécessité d’associer et d’impliquer les travailleurs qui s’impose de plus en plus ? Est-ce qu’on va tendre vers des organisations démocratiques du travail en acceptant un principe de l’égalité entre tous et toutes ?”

  • Comment aller réellement plus loin dans ce cas ? Quelle forme peut prendre concrètement l’association des travailleurs aux décisions de l’entreprise ?

C’est toute la question aujourd’hui : comment va-t-on prendre en compte la nécessité d’associer et d’impliquer les travailleurs qui s’impose de plus en plus ? Est-ce qu’on va tendre vers des organisations démocratiques du travail en acceptant le principe de l’égalité entre tous et toutes ? Est-ce qu’on va permettre aux travailleurs de peser sur leurs conditions de vie au travail, sur les finalités poursuivies par leur entreprise, en considérant que ces décisions doivent être validées et légitimées par leur soin ? Ou bien est-ce qu’on va se contenter d’une forme très “soft” de participation des travailleurs ?

Nous pouvons nous appuyer sur l’Histoire pour penser la manière dont les travailleurs pourraient réellement peser sur les décisions de leur entreprise. Les humains ne créent jamais à partir de rien, nous sommes toujours les héritiers d’un patrimoine et d’une Histoire.

On peut ainsi observer que les entités politiques se sont démocratisées par ce qu’on peut appeler “le moment bicaméral” (2) : c’est le moment où la minorité qui gouverne reconnaît que la majorité dont elle dépend pour son bon fonctionnement a aussi le droit légitime de peser sur les lois et les règles de gouvernement. Un principe de double majorité est alors reconnu et requis pour gouverner convenablement. 

“Si on calque cette logique au monde du travail contemporain, pour toute décision prise au sein d’une entreprise, la majorité devrait être obtenue au sein du Conseil d’administration et au sein du CSE où siègent des représentants des travailleurs.”

Au Vᵉ siècle avant JC, la Plèbe n’avait aucun droit jusqu’à ce qu’on lui reconnaisse celui de contester toutes les décisions que les Patriciens prenaient seuls auparavant. C’est un droit de véto collectif qui est le principe même du bicamérisme.

Si on calque cette logique au monde du travail contemporain, pour toute décision prise au sein d’une entreprise, la majorité devrait être obtenue au sein du Conseil d’administration et au sein du CSE où siègent des représentants des travailleurs. Or aujourd’hui, le CSE ne se positionne pas à la majorité pour valider les décisions du Conseil d’administration.

Il est donc nécessaire de s’interroger sur la place des travailleurs au sein du Conseil d’administration, qui est le cœur du pouvoir de l’entreprise. À ce sujet, la loi PACTE promulguée en 2019 a reconnu une légitimité des travailleurs à être représentés au sein des Conseils d’administration. Mais il s’agit d’un ou deux représentants… Il reste 80% des voix entre les mains des apporteurs en capitaux.  Par conséquent, il n’y a pas panique à bord.

Cela révèle la contrainte de démocratisation qui pèse sur les entreprises, mais aussi les manœuvres qu’elles mettent en place pour contourner le partage réel du pouvoir de décision avec les travailleurs. 

  • Existe-t-il des exemples de fonctionnement démocratique des entreprises dans d’autres pays ? 

C’est le cas dans le modèle allemand de co-détermination, et dans une moindre mesure dans les modèles scandinaves.

En Allemagne, un tournant a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale car les industriels ont joué un rôle crucial dans l’accession de Hitler au pouvoir. Quand les Alliés ont réorganisé l’Allemagne de l’Ouest, ils ont souhaité réduire leur influence en leur imposant une restructuration avec une contrainte de démocratisation. La moitié des postes dans les Conseils d’administration ont ainsi été confiés aux travailleurs et représentants des syndicats. 50% des sièges des conseils d’administration des grandes entreprises allemandes du secteur de l’acier ont été occupés, du jour au lendemain, par des représentants des travailleurs. On peut parler de co-détermination de parité parfaite. Dans les faits, les juristes allemands considèrent qu’il s’agit d’une “fausse parité” car le président du Conseil d’administration a une voix délibérative en plus.

Mais ce fonctionnement a permis le développement d’une culture de collaboration entre capital et travail, autour des objectifs de l’entreprise, qui est à des années lumières de ce qu’on peut connaître en France.

  • Si la nécessité d’associer les travailleurs aux décisions prises au sein de leur entreprise n’est plus à prouver, ont-ils une volonté marquée de participer ? Si oui, comment s’exprime-t-elle ?

Dans tous les cas, la démocratisation des entreprises apparaît aujourd’hui comme une nécessité, pour toutes les raisons évoquées précédemment, ne serait-ce qu’en termes de justice. Même si des travailleurs ne souhaitaient pas être davantage associés aux décisions, on peut considérer que la situation actuelle n’est pas acceptable car elle n’est pas en phase avec notre projet de société qui repose sur la démocratie.

Dans les faits, les travailleurs se positionnent déjà sur quantité de choses et de décisions dans le cadre du travail. Mais on ne leur donne pas la liberté de pouvoir véritablement assumer la manière dont ils souhaiteraient se positionner. J’ai par exemple étudié les conditions de travail des caissières de supermarché : j’ai pu observer qu’elles avaient un avis sur quantité de décisions prises dans le cadre du magasin. Leur avis n’est pourtant pas pris en compte, jusqu’au moment où surviennent des problèmes de démotivation, d’absentéisme et de mauvaise organisation du magasin.

C’est ce que j’appelle l’intuition critique de la justice démocratique au travail : les travailleurs ont l’intuition qu’ils ont un avis éclairé sur un tas de décisions liées au travail, et ne comprennent pas pourquoi il n’est pas pris en compte. Il y a donc une volonté chez les travailleurs d’être associés aux décisions de leur entreprise, qui peut aller jusqu’à un sentiment d’injustice lorsqu’ils comprennent que ce n’est pas le cas.

Il y a beaucoup d’organisations qui ne tiennent pas compte de ce constat, et qui peuvent ensuite s’étonner que les travailleurs soient démotivés, en proie à de l’aliénation complète ou des burn out. Les travailleurs vont sans cesse se questionner sur le sens et les finalités de leur travail, valoriser ce que fait l’entreprise, s’investir, puis se rendre compte que leur investissement n’est pas pris en compte. L’expérience de cette violence est d’un point de vue psychique et émotionnel extrêmement difficile.

  • De la même manière que certains chercheurs en sciences sociales alertent sur les liens étroits entre participation citoyenne et transition écologique, vous estimez que le partage du pouvoir au sein des entreprises est une condition indispensable à cette transition. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous sommes aujourd’hui dans un rapport extractif au vivant : toutes les ressources, tant naturelles qu’humaines, sont utilisées comme des choses jetables. Ainsi, les entreprises utilisent les humains comme des ressources puis les jettent lorsqu’ils ne sont plus productifs, épuisés, en burn-out, etc. Ces ressources, que sont les travailleurs, sont au service du capital. Partant du principe que les humains sont des ressources à disposition des entreprises, il est évident qu’on se permet de considérer les ressources naturelles, la nature de manière générale, de la même manière.

Une opportunité se présente aujourd’hui car nous avançons à toute vitesse vers un mur : nous n’avons qu’une planète. Auparavant, le rapport extractif aux humains et au vivant avait un impact de petite ou moyenne portée : un mineur décédait dans le cadre de son travail, on organisait une journée de deuil, puis on le remplaçait en considérant que les humains étaient des ressources remplaçables.

« La transition écologique ne sera pas possible si on ne démocratise pas les entreprises, si on ne sort pas du rapport extractif aux humains, si on ne change pas de modèle économique.”

Nous avons cru pouvoir adapter le même fonctionnement avec la nature dont l’échelle de destruction a évolué au fur et à mesure. On a pollué un hectare, 10 hectares… Puis des espaces naturels entiers, des océans, jusqu’à réaliser qu’il n’y avait qu’une planète et que ses ressources sont limitées. Il y a aujourd’hui beaucoup de personnes capables de s’en rendre compte, y compris parmi les apporteurs en capitaux.

Je pense donc qu’il y a un lien profond entre la démocratisation du travail et la transition écologique. Elle ne sera pas possible si on ne démocratise pas les entreprises, si on ne sort pas du rapport extractif aux humains, si on ne change pas de modèle économique. Ce n’est pas une condition suffisante, il y a d’autres problèmes à régler en même temps, mais c’est une condition nécessaire à la transition écologique.

(1) : L’holacratie qui provient des mots grecs « holos » désignant « une entité qui est à la fois un tout et une partie d’un tout » et de « kratos » signifiant « pouvoir ». Il s’agit donc de donner le pouvoir de gouvernance à l’organisation elle-même plutôt qu’aux égos de ses membres.

L’entreprise libérée est décrite comme une philosophie qui vise à transformer l’organisation d’une entreprise en profondeur. L’idée est de libérer les salariés, leur initiative, leur potentiel afin de booster les performances de l’entreprise.

Le management collaboratif est une pratique de gestion qui vise à supprimer les cloisonnements entre les responsables, les cadres et le personnel pour leur permettre de travailler ensemble.

(2) : Le bicamérisme est un système qui repose sur deux chambres/assemblées, chacune étant dotées d’un pouvoir de décision.

Pour aller plus loin :

Le Manifeste travail – démocratiser, démarchandiser, dépolluer, de Julie Battilana, Isabelle Ferreras, Dominique Méda, Seuil, 2020 :

https://www.seuil.com/ouvrage/le-manifeste-travail-isabelle-ferreras/9782021470499

> Tous les travaux d’Isabelle Ferreras : https://isabelleferreras.net/home/home-fr/

> Réseau Democratizing Work  : http://www.democratizingwork.org

lutter contre la précarité menstruelle visuel

Lutter contre la précarité menstruelle grâce au budget participatif

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Marie a participé à la première édition du Budget Participatif de l’Hérault en déposant l’un des 432 projets proposés en 2020. Son idée portait sur la mise à disposition de boîtes à don de protections hygiéniques dans plusieurs établissements scolaires et médico-sociaux du Département afin de lutter contre la précarité menstruelle

Ses objectifs sont multiples : aider les femmes dans le besoin, déconstruire le tabou de la précarité menstruelle et plus généralement des règles. En France, près de 2 millions de femmes seraient concernées par cette précarité, et certaines jeunes filles manqueraient même l’école parce qu’elles n’ont pas les moyens de se procurer des protections.

Pour déposer son projet et s’assurer qu’il puisse être réalisé, Marie a collaboré avec une association en mesure de fournir les boîtes à dons : Les Solibox.

L’accompagnement de l’association Les Solibox

Fondée en 2019 par deux étudiant·e·s, Léa Martinez et Romain Portella,  Les Solibox est une association qui vise à lutter contre la précarité menstruelle et le tabou des règles.

L’association met à disposition des boîtes de dons de protections hygiéniques (tampons, serviettes,…) en libre service dans les rues de Montpellier et au sein des établissements scolaires. Pour favoriser l’utilisation de ces boîtes, l’association communique beaucoup sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, LinkedIn et Twitter) et sur son site internet. Des événements sont également organisés afin de récolter des fonds. 

Déjà trois boîtes installées sur le territoire

Le projet de Marie ayant été désigné lauréat grâce aux votes des Héraultais·e·s, le Département de l’Hérault a financé 4 boîtes de dons. Trois d’entre elles sont déjà installées : une au lycée Jean Jaurès dans la commune de Saint-Clément-de-Rivière, près de Montpellier, une au sein de l’agence de solidarité de Ganges et une au Lycée de Sète.

Outre l’installation des boîtes, le projet comprend également leur rechargement grâce à un stock important de protections hygiéniques. L’objectif à long terme est que ces boîtes soient alimentées par toutes les personnes qui souhaitent mettre à disposition des protections hygiéniques et que celles qui en ont besoin puissent se servir librement. 

Un accompagnement continu des services départementaux

Marie explique que “le Département de l’Hérault a été aidant pour la convention, réactif et très présent tout du long de la démarche, tout comme l’association, le lycée et l’agence partenaires, malgré le contexte assez difficile de la crise sanitaire”. Les services départementaux ont suivi l’accomplissement du projet jusqu’au bout. En effet, la porteuse du projet a eu un référent avec qui elle pouvait échanger en cas de questionnement et qui a su la conseiller pour mener à bien son projet.

La mise en avant du projet grâce à la plateforme du budget participatif

Marie confie qu’elle n’a pas communiqué sur son projet sur les réseaux sociaux, mais qu’elle en a beaucoup parlé à son entourage. Elle s’est appuyée sur la communication menée par le Département : “les votes viennent des personnes qui se sont intéressées à mon projet en le découvrant sur la plateforme lors de la phase des votes du budget participatif”.

Marie décrit son expérience comme enrichissante, agréable, fluide, et se réjouit d’avoir rencontré des personnes partageant ses convictions. Elle tient à “rendre moins tabou la précarité menstruelle qui peut toutes nous toucher ou toucher notre entourage”. Enfin, Marie aimerait poursuivre cette lutte et continuer de faire bouger les choses : “pour beaucoup de femmes, la précarité menstruelle paraît assez loin, alors que pour certaines personnes ça devient vite un cauchemar, notamment pour les jeunes filles qui manquent l’école à cause de cela”.

Protéger les enfants des violences sexuelles

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Le projet “Kits de prévention sur les agressions sexuelles pour les mineurs” a été nommé lauréat lors de la première édition du budget participatif du Conseil départemental de l’Hérault en 2019. Lydia, fondatrice de l’association Revis, a ainsi pu profiter du budget participatif de son Département pour étendre ses actions.

L’association Revis

Fondée il y a 2 ans et demi, Revis est la première association dédiée aux victimes d’inceste créée dans l’Hérault. Lydia, en a elle-même été victime. Longtemps à la recherche d’une telle structure, elle a fondé cette association pour venir en aide aux victimes d’inceste et de psychotraumatismes. L’association accompagne les victimes de plusieurs façons : conseils juridiques, suivi psychologique, groupes de paroles pour les victimes et leurs proches. L’association a pour missions d’informer, prévenir, soutenir et sensibiliser aux psychotraumatismes. Revis dirige les victimes vers les personnes ressources à qui s’adresser pour les aider à s’en sortir.

Lydia déplore le manque d’accessibilité à l’information pour les professionnels, les victimes ou même leurs proches. C’est pourquoi elle mène de multiples projets avec l’association : la création d’annuaires de réseaux, de symptômes, de thérapies, et même la création d’une application pour les victimes. Elle souhaite également développer la prévention dans les milieux scolaires. Pas seulement sur les violences sexuelles mais aussi sur l’inceste, sujet tabou puisqu’il s’agit de violences intrafamiliales. 

 

Des kits de prévention financés par le budget participatif

Le budget participatif de l’Hérault a permis de financer 3 kits de prévention :

  • Un kit pour les enfants de 3 à 6 ans contenant : 
    • Un livret Les ateliers de Rosie, qui aborde les notions d’intimité, le rapport à son corps, ce qu’on peut montrer et ce que les autres ont le droit de faire ou de ne pas faire.
    • Un livret Les ateliers de Rosie, décliné, est en cours de préparation et portera sur les émotions.

L’objectif est de créer une série de livrets qui traitera de cette thématique via le personnage principal, Rosie un flamand rose, qui parle et explique à des enfants les notions de base autour du corps.

 

  • Un kit pour les enfants de 6 à 9 ans composé du jeu de cartes Le jeu des secrets, où le but est de différencier les bons et les mauvais secrets
  • Un kit à destination des adolescent·e·s : 3 saynètes de théâtre en collaboration avec le Cours Florent, où les comédien·nes présentent une scène et demandent au public d’intervenir afin de rendre les dialogues plus adaptés. L’objectif est d’encourager les adolescent·e·s à réfléchir autour du sujet de l’inceste et de savoir comment réagir si un·e proche leur dévoile ce qu’il·elle subit.

Un guide d’accompagnement est également en cours de préparation pour les animateur·rices. Il contient les références nécessaires, ainsi qu’une brochure avec un QR code à l’intention du public adolescent. 

Pour l’instant, seuls les 2 premiers kits ont été réalisés et sont en vente, à prix coûtant, sur le site Helloasso, livrables en France et en Europe. Le 3ème kit, quant à lui, sera prêt d’ici le mois de juin. Les acheteur·ses de ces kits sont principalement des éducateur·rices, des psychologues, des professeurs ainsi que des parents.

Un tremplin pour les projets de l’association

Lydia décrit le budget participatif comme une belle expérience pleine de rencontres, qui a surtout pu l’aider à concrétiser un des projets de l’association. Plus précisément, le Conseil Départemental de l’Hérault a permis de financer une partie du projet, en rémunérant les illustrateur·rices et les impressions des kits de prévention.

Au vu des nombreuses demandes, et s’agissant du domaine de la santé publique, Lydia espère désormais pouvoir trouver du soutien auprès des infrastructures locales, voire nationales, pour faire grandir son association et promouvoir ses actions. 

Rejoindre Revis

L’association, qui compte 2 membres bénévoles fixes, manque de moyens humains et financiers pour réaliser tous ses projets. En effet, il est compliqué pour l’association de fonctionner sur du bénévolat ponctuel, et la thématique, très sensible, est probablement un frein pour trouver de nouveaux adhérent·es.

Lydia, qui travaille à plein temps dans l’association est à la recherche de financements pour embaucher du personnel, dont des professionnels, étant donné que le sujet requiert des compétences spécifiques. Si ce projet associatif vous tente, n’hésitez pas à contacter Lydia via son site internet !

Les citoyens veulent-ils vraiment participer ?

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Depuis quelques dizaines d’années, les initiatives de démocratie participative se sont multipliées en France (budgets participatifs, conseils de quartiers, conseils citoyens, concertations thématiques…). Régulièrement se pose la question de savoir si les citoyens s’emparent de ces espaces participatifs et si oui, pourquoi ? Nous avons échangé avec Guillaume Petit, docteur en science politique de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, associé au Centre Européen de Sociologie et de Science Politique (CESSP), pour analyser les offres de participation institutionnelles et la manière dont les citoyens se les approprient.

 

Depuis les années 1990, de plus en plus d’outils et de dispositifs de démocratie participative sont mobilisés à l’échelle locale, si bien que l’on évoque parfois l’apparition d’un impératif délibératif. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est cet impératif délibératif et comment il est apparu ?

 

L’impératif délibératif apparaît à la fois en tant que constat et question de recherche. C’est un article de Loïc Blondiaux et Yves Sintomer qui propose cette notion d’impératif délibératif. C’est l’idée que désormais la décision publique devrait asseoir ou assoit sa légitimité sur ce qui est appelé l’épreuve de la discussion, et la valorisation constante de ce principe. Qui lie la légitimité de la décision à sa mise en discussion collective, à minima auprès des personnes concernées par cette décision. 

Il y a des institutions, des acteurs, qui se saisissent de cet impératif ou qui sont saisis par lui. Il y a des acteurs qui se saisissent de cet impératif pour le défendre et d’autres sont davantage saisis par cet impératif dans le sens où ils doivent composer avec. 

Concrètement, c’est l’idée qu’il deviendrait de plus en plus difficile pour un Maire d’imposer une décision de manière unilatérale si les habitants sont contre.

 

La démocratie participative est-elle devenue une norme de l’action publique communément acceptée ou bien demeure-t-il des réfractaires ?

 

Il y a des normes, des façons d’habiter le rôle d’élu qui sont de moins en moins acceptables ou considérées de plus en plus passéistes. Oui, il y a toujours des réfractaires. Je pense qu’il y a des élus, même au sein d’un même conseil municipal, qui sont pro participation et d’autres qui vont considérer ça comme une contrainte ou une perte de temps. 

Avec Rémi Lefebvre et Julien Talpin, nous avons proposé une typologie des adjoints chargés de la démocratie participative. On a différencié les indifférents, les croyants managériaux, les croyants militants et les opposants. On a constaté que contrairement à une intuition partagée dans le milieu, il n’y avait pas forcément une forte vocation de ces élus. Il y a des adjoints qui sont dans une sorte de misère positionnelle, qui font face à l’absence de moyens et de poids politique et qui ne vivent pas nécessairement cette position de manière positive. Ce qui crée un rapport ambigu avec la participation.

 

« La fonction “traditionnelle” d’élu aujourd’hui ne prédispose pas à “aimer” la démocratie participative. »

 

Les élus, notamment celles et ceux qui croient dans la capacité de démocratiser la démocratie, vont avoir tendance à ne pas faire carrière, peut-être aussi car ils et elles sont les plus disposés à ne pas vouloir faire carrière. A l’inverse, la fonction “traditionnelle” d’élu aujourd’hui ne prédispose pas à “aimer” la démocratie participative

A la différence de certains Maires qui vont avoir un intérêt à mettre en avant une forme de leadership paradoxal, qui vont appuyer leur leadership sur le fait de refuser la décision, de partager le pouvoir. C’est à travers ça paradoxalement qu’ils vont construire un fort pouvoir mayoral, un ancrage local. La question des élus permet de voir que la démocratie participative est bien une politique de l’offre. Guillaume Gourgues posait cela comme une “hypothèse heuristique”. Elle a besoin des élus pour exister. Elle a besoin d’agents et de prestataires qui la font vivre. En ce sens, il n’y a pas vraiment de demande de participation, il y a des luttes de définition autour de l’intérêt à faire exister quelque chose qu’on appellerait une demande de participation, que “l’offre” viendrait satisfaire.

 

Existe-t-il des contextes locaux favorables à l’émergence d’une offre participative institutionnelle ?

 

C’est lié soit à des contextes locaux, soit à des contextes qui favorisent le point de vue des participants. Il peut y avoir une forte vie associative, des centres sociaux actifs qui créent un public pour ces types d’offres de participation. 

Les institutions ont potentiellement des relais dans la population via des fédérations associatives, des fédérations militantes, etc. Il y des terreaux plus ou moins favorables à la mise en place de démarches participatives. 

Surtout, ce qui compte au niveau municipal, c’est d’avoir une offre de participation personnalisée. Paradoxalement, c’est très lié à la figure de Maire. C’est un Maire qui porte la démarche, qui est reconnu comme un Maire animateur. Souvent on voit un Maire qui va phagocyter ça ou s’appuyer sur un binôme avec un adjoint très proche d’elle ou de lui, ou bien sur la structuration de l’administration avec des fonctionnaires participationnistes qui organisent la participation et qui ont un rôle un peu politique. Ils sont à mi-chemin entre l’élu et l’agent. On n’est pas dans la caricature du fonctionnaire qui applique sans rien dire, ce sont, et de plus en plus, des agents plutôt formés et actifs sur ces questions.

 

Vos travaux portent notamment sur l’engagement participatif. Pouvez-vous nous dire comment les citoyens s’approprient une offre de participation institutionnelle ?

 

Un des principaux axes qui va partager les participants des non-participants en tendance, c’est l’ancienneté de résidence. Le fait d’être résident depuis longtemps, potentiellement propriétaire, crée un intérêt pour la participation. La participation est fortement liée aux parcours résidentiels. Il y a aussi un facteur de disponibilité qui fait qu’on trouve plus de retraités. 

On ne peut pas non plus opposer aussi facilement participation et non-participation. S’il n’y avait pas d’offre de participation il n’y aurait pas de non-participation. Si l’on veut, du jour au lendemain, quand on crée une offre de participation, on crée de la non-participation

On acte donc le fait qu’il y a un éloignement à la chose politique. Et donc potentiellement on va reproduire ce qu’en science politique, à la suite de Daniel Gaxie, on appelle le cens caché : l’idée que certains individus (les moins diplômés, les moins politisés…) ont tendance à ne pas participer, à s’auto-exclure du jeu politique. 

« Ceux qui ne participent pas sont ceux que les dominants élimineraient du jeu politique s’ils en avaient l’opportunité »

 

En paraphrasant Pierre Bourdieu, il se trouve que ceux qui ne participent pas sont ceux que les dominants élimineraient du jeu politique s’ils en avaient l’opportunité ; autrement dit, si le système était toujours “censitaire” (c’est-à-dire réservé à ceux en capacité de payer le “cens”, un impôt). Avec la démocratie participative, on retrouve ce cens caché, avec néanmoins parfois des efforts “compensatoires” spécifiques pour viser une catégorie de la population en particulier, qui ont des effets mais qui demeurent limités. 

Il y a aussi une non-participation qui fait sens : “Je ne participe pas car c’est une mascarade de participation”; “Je ne vais pas participer à une démarche où il n’y a pas d’enjeu”.

Il y a également des personnes qui participent pour d’autres raisons. Il y a des gens qui participent à travers une forme de sociabilité, une participation de club. On est donc loin de la mise en débat des politiques publiques. On est plus sur une participation routinière. 

Il y a des participants ordinaires et extraordinaires. Les participants ordinaires sont ceux qui ont des prédispositions à participer, pour qui c’est quelque chose de “naturel”. Typiquement quelqu’un qui est parent d’élève, qui est dans les réseaux locaux. 

Sociologiquement, ce sont des personnes qui sont davantage propriétaires, qui habitent la ville depuis longtemps, qui ont un niveau de diplôme plus élevé que la moyenne, sont davantage retraités qu’actifs. Les niveaux de salaire sont souvent plus élevés que le revenu médian.

« Ceux qui participent sont ceux qui participent déjà aux élections »

 

L’idée qu’on agirait contre « la démocratie de l’abstention » avec la démocratie participative est en partie un fantasme : ceux qui participent sont ceux qui participent déjà aux élections. Donc à travers la participation on ne ferait qu’étendre les possibilités de participation de celles et ceux qui participent déjà. L’idée que grâce à la démocratie participative on ferait s’intéresser à la politique locale les gens qui ne participent pas aux élections, c’est faux. Tous les gens qui participent sont des gens qui participent aux élections. Ou alors c’est très marginal. Les taux moyens de participation électorale de celles et ceux qui participent à la démocratie participative sont supérieurs à la moyenne.

 

Donc ceux qui ne participent pas sont en partie créés par la manière dont est construite l’offre de participation institutionnelle ? C’est-à-dire qu’avec une autre offre de participation, les non-participants pourraient participer ?

 

C’est vrai qu’il y a comme un effet miroir. Ceux qui participent à une démarche participative sont potentiellement ceux qui ne participeraient pas à une autre. Dans le cas d’une ville comme Lanester, où j’ai travaillé, et vous aussi, il y a eu des évolutions lors de l’arrivée du budget participatif en 2016. Avant, pendant 12 ans, il y avait des conseils de quartiers où il y avait davantage d’habitants qui étaient là depuis longtemps, investis dans la vie associative, et retraités le plus souvent. 

Celles et ceux qui ne participaient pas durablement étaient typiquement des jeunes couples trentenaires qui venaient d’acheter et qui voulaient s’intégrer. En allant à leur conseil de quartier, ils ne se reconnaissaient pas dans les autres participants. Dans ce contexte, des nouveaux arrivants se disent que cet espace n’est pas fait pour eux. Par contre, ce profil de trentenaire diplômé du supérieur, primo accédant, c’est typiquement quelqu’un qui va participer au budget participatif. 

« Le budget participatif a attiré d’autres types de participants »

 

J’ai fait une enquête par sondage chaque année après le lancement du budget participatif de Lanester, et on trouvait ce type de public. On trouvait aussi une forme de continuité. D’un côté, les fidèles et le noyau dur qui continuaient de participer par soutien au Maire et à l’équipe municipale. Et d’un autre côté, d’autres qui participaient parce qu’ils trouvaient ça nouveau, qui appréciaient de voir arriver un dispositif qui existait à Paris et à Rennes et qui étaient content.es d’avoir un budget participatif dans leur commune. Le budget participatif a attiré d’autres types de participants, mais pour une participation de moindre intensité, moins chronophage.

 

Comment agir pour réduire les inégalités de participation et plus globalement les inégalités politiques ?

 

Plus largement, on a construit cette idée d’inégalité face à la participation, pour désigner des personnes qui tendanciellement vont moins se reconnaître dans la participation, moins se sentir légitimes à y aller et effectivement on peut constater que si on ne fait qu’ouvrir aux volontaires, alors c’est toujours les mêmes qui participent et qui ne participent pas. Il y a une forme de régularité.

Face à ça, on peut utiliser des moyens (tirage au sort, rémunération des participants par exemple) pour mobiliser, et des “artifices d’égalité” pour mieux intégrer chacune et chacun dans la discussion. On se rend compte que cela marche mais que c’est fragile. Cela va rarement au-delà du dispositif. 

Quelque chose qui réduirait les inégalités, c’est d’augmenter l’intéressement à la participation. Il y aurait plus de gens qui participeraient si le fait de participer devenait substantiellement important et intéressant. Si on savait qu’il y a des choses qui se discutent vraiment et que face à la décision les citoyens ont un rôle majeur. Il faudrait augmenter le coût de ne pas en être. 

« Augmenter le rapport à la décision, c’est une façon de réduire les inégalités »

 

Augmenter la portée instrumentale, le rapport à la décision, c’est une façon de réduire de facto les inégalités. Ou en tout cas de rendre ces inégalités d’autant plus insupportables et donc de forcer à les réduire. Il y a des inégalités face à la participation mais dans le fond est-ce que c’est grave ? Est-ce que ça porte préjudice ? Qu’est-ce que c’est qu’une inégalité ? C’est une inégalité sociale, de revenus, d’accès à une position sociale, d’accès aux diplômes, etc. Mais ça n’a rien à voir avec les inégalités de participation. A l’intérieur de ces dispositifs, on retrouve des inégalités de classe et de genre. Mais finalement, quand on observe un dispositif participatif, on arrive en bout de course de toutes ces inégalités structurelles.

Le grand absent des offres de participation, c’est le monde du travail et l’espace de l’entreprise où le citoyen et le travailleur sont totalement infantilisés Dans les offres de participation municipale, on va souvent trouver beaucoup de retraités. On va se dire : “c’est normal, ils ont le temps”. Mais au-delà du temps libre, ils ont un temps libéré. Libéré de la contrainte salariale. Et ils ont la possibilité de faire les activités qui les intéressent. 

« Les inégalités face à la participation sont davantage symptômes et conséquences que cause »

 

Il y a d’autres types d’inégalités à résoudre et finalement les inégalités face à la participation sont davantage symptômes et conséquences que cause. On prend parfois le problème à l’envers. On peut y aller au forceps en tirant au sort des personnes sur un sujet sexy sur lequel on va leur promettre qu’ils auront le poids de la décision, on va les rémunérer et appeler leur patron pour qu’il les libèrent. Là oui en effet ça peut fonctionner. Mais on pourrait aussi agir en amont sur les inégalités politiques et sociales.

 

Quels sont les effets de la participation chez les participants ?

Il y a plusieurs types d’effets. Chez celles et ceux que j’appelle les participants ordinaires, celles et ceux qui ne font que refaire ce qu’ils faisaient auparavant dans leur association, syndicat, etc. On est sur de la reconduction. Ceux qui vivent leur participation sur un registre extraordinaire et qui se découvrent à travers ça, oui il y a des effets. Des collègues comme Julien Talpin, ou plus récemment Yannick Gauthier, ont travaillé sur ce sujet, j’ai aussi observé les mêmes effets dans ma thèse : effets d’apprentissage, de montée en compétences, de satisfaction, d’affirmation de soi. 

« Certains parviennent à recycler l’apprentissage de prise de parole, la capacité à argumenter »

 

Ce qui est intéressant c’est les gens qui vont être en capacité de recycler ces choses là par ailleurs. On voit que certains parviennent à recycler l’apprentissage de prise de parole, la capacité à argumenter. Des gens vont s’en servir dans leur travail, leur syndicat, au sein de leur famille aussi. Oui, il y a des effets. Des effets sur les trajectoires dans le sens où l’effet le plus simple à observer est de voir comment certains deviennent des élus après avoir participé. Je suis participant et après je m’inscris sur une liste. Pour ces personnes, il y a un effet tremplin, et pour la mairie, il y a donc aussi un effet réservoir.

Il y a aussi des effets de frustration. Des personnes s’engagent et potentiellement fortement. Ça peut être très chronophage en termes de temps investi.

Du point de vue des institutions, il y a eu une tendance à promouvoir une participation par projet plutôt que par instance car en projet on peut toujours créer un nouveau public lié à un nouveau projet. Le risque d’essoufflement est moins présent, de même que celui de voir des contre-pouvoirs émerger. 

« Il vaut mieux opter pour des dispositifs pérennes »

 

Moi je pense que si on veut créer un espace des possibles pour s’intéresser à la vie locale, une forme de citoyenneté, d’intéressement, on peut se dire que c’est mieux d’avoir des espèces pérennes de participation où les personnes savent qu’il y a la possibilité de s’exprimer. Alors que si on veut produire de l’aide à la décision publique sur un projet en particulier, là on peut préférer faire un mini-public citoyen tiré au sort sur une question précise. Mais moins on laisse de temps, plus on va retrouver des gens déjà dotés. 

 

Pour qu’il existe des effets, et qu’ils soient accessibles à des personnes ayant moins de ressources, il vaut mieux opter pour des dispositifs plus pérennes, qui prennent le temps, peut-être sur des petites choses, mais avec un pouvoir de décision.

 

Pour en savoir plus sur les travaux de Guillaume Petit :

 

Pour en savoir plus sur le dispositif du Budget Participatif : https://www.id-city.fr/le-guide-pratique-du-budget-participatif/

 

Le point sur : Budget Participatif et outils numériques

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De 7 Budgets Participatifs en 2014, la France en comptait 170 en 2020 ( ➡️ source).

Peut-on en déduire que les démarches participatives ont le vent en poupe ces dernières années ? Certainement. De là à imaginer jusqu’à une systématisation de ces démarches dans les années à venir ? Pourquoi pas. Encore faut-il savoir les utiliser !

Les dispositifs participatifs ne sont ni plus ni moins que des outils en constante évolution. Afin de recueillir un certain nombre de bonnes pratiques, nous avons interrogé quelques-uns de nos partenaires sur leurs expériences passées. Depuis les démarches menées jusqu’aux apports et limites du numérique dans le bon déroulement du dispositif, voici leurs points de vues et recommandations.

Définir le point de départ

Avant toute chose, nous avons cherché à savoir quels étaient les objectifs initiaux de leurs démarches. En effet, s’engager dans de la démocratie participative demande du temps, des moyens, de l’organisation. Cela suppose aussi qu’une collectivité se déleste d’une partie de son pouvoir de décision au profit des citoyens. À cette question, nos interlocuteurs ont été unanimes sur un point. Il s’agissait surtout de rapprocher voire de reconnecter les citoyens à l’Institution, en les rendant acteurs de la politique publique. 

Pour Laurence Allefresde (Ardèche), cela peut aller jusqu’à devenir “un levier de mobilisation des jeunes”, les aidant par la même occasion à “être des citoyens éclairés et conscients du fonctionnement des collectivités et du quotidien des élus”. Cette ambition a notamment motivé la création d’un Budget Participatif Jeunesse à l’échelle du département, en adéquation avec le projet AJIR – Ardèche, Jeunesse, Innovation, Ruralité.

Motiver les troupes

La question de l’implication et de la mobilisation des citoyens aux démarches participatives cristallise beaucoup d’inquiétudes chez les collectivités organisatrices. En d’autres termes, comment faire en sorte que les citoyens prennent part aux dispositifs mis en place ? 

Ici encore, certaines réponses reviennent à plusieurs reprises avec deux pôles bien distincts et complémentaires. D’abord l’appel à des outils de communication dits “classiques”. Affiches et flyers, spots radio, encarts publicitaires dans de la presse locale, rencontres sur les points de rassemblement comme le marché ou les événements sportifs, etc. Certains acteurs créatifs sont allés jusqu’à réaliser des capsules vidéos, aussi bien pratiques qu’incitatives, comme dans le département des Landes. A cela s’ajoutent des réunions publiques, avec une trentaine tenues dans le Lot et Garonne. Ces réunions permettent aux citoyens de rester au plus près de l’information et d’avoir des réponses à leurs interrogations.

Les solutions numériques n’ont pas été laissées de côté. Les collectivités ont fait la promotion de leurs démarches via des publications sur les réseaux sociaux et des actualités sur leurs plateformes.

Finalement, un maître mot : la communication ! Si vous souhaitez des conseils pour bien communiquer pendant vos démarches, nous vous invitons à consulter nos Guide Pratique du Budget Participatif (en consultation et en téléchargement sur notre site).

La démocratie 2.0

En parlant du numérique, nous nous sommes également penchés sur l’apport du numérique dans le domaine de la démocratie participative. Deux grandes tendances se sont dessinées dans les témoignages. 

D’abord, il est indéniable que le numérique permet d’aller toucher un plus grand nombre d’acteurs, notamment chez des publics jeunes, en offrant “un accès direct à l’information” (Dany Dutey – Lot et Garonne), une centralisation des démarches (département du Gers), ainsi qu’une facilité de traitement des données (Jean-Christophe Labails – Dordogne). Cela a d’autant plus été accentué par un contexte sanitaire rendant difficile voire impossible des rencontres en présentiel. 

Malgré tout, tous s’entendent sur les contraintes de démarches en “tout numérique”, dues à une fracture générationnelle qui pourrait exclure une frange de la population. Cela va des personnes âgées ne maîtrisant pas l’outil informatique aux “habitants des zones ne bénéficiant pas d’une bonne couverture réseau” (Laurence Allefresde – Ardèche). 

Finalement, il semblerait bien que la “meilleure” façon de fonctionner soit hybride. Le numérique vient en support de la démarche, il lui donne l’élan et la couverture nécessaire à son bon déroulement. Mais comme bien souvent, il ne vient pas remplacer et encore moins n’exclut des rencontres in-situ.

Et concrètement ?

Une fois les bases organisationnelles posées, nous avons interrogé nos partenaires sur ce qu’ils avaient accompli grâce à leurs dispositifs participatifs. Un peu de concret !

D’abord, les Budgets Participatifs des départements du Lot et Garonne, des Landes, de la Dordogne, du Gers et de l’Ardèche. Alors que certains travaillent sur le lancement d’un troisième Budget Participatif très prochainement (Dordogne), d’autres en sont à l’analyse des résultats. Dans le Lot et Garonne, Dany Dutey évoque 629 idées déposées, 406 soumises au vote et 36 lauréats pour une enveloppe d’1 million d’euros. Éclectiques et inspirés, ces projets devraient voir le jour prochainement ! Du côté de l’Ardèche, la première édition du Budget Participatif a donné naissance à 14 projets lauréats. Ces projets vont d’un studio-radio itinérant, à la création d’une maison d’assistantes maternelles en passant par l’ouverture d’une recyclerie autour du vélo.

Cela sans compter les Landes qui, après une première édition fructueuse, reviennent pour un deuxième round ! Leur nouvelle enveloppe est d’1,5 millions d’euros, 10% sont réservés aux projets des jeunes de 7 à 20 ans. Enfin, dans le Gers, une nouvelle édition du Budget Participatif se prépare. Avec deux éditions réussies à leurs actifs, les pionniers de la démarche à l’échelle départementale commencent à être rôdés à l’exercice. Ils constituent actuellement une commission citoyenne pour l’organisation de cette nouvelle édition. 

Concernant les consultations, le Conseil Citoyen du Lot et Garonne a rendu un rapport sur 84 propositions pour la vie du département d’après COVID. Il planche actuellement sur un rapport concernant la défense et la promotion de la laïcité (Dany Dutey). Dans le Gers, deux enquêtes ont été menées, l’une sur l’agriculture de demain et le plan territorial d’alimentation et l’autre intitulée “Le bonheur est dans le Gers : le monde d’après, quel sera-t-il ?

L’heure du Bilan

Malgré un contexte sociétal compliqué depuis début 2020, les différentes personnes interrogées dressent un bilan positif de leurs démarches participatives. De l’avis des représentants des collectivités, il y a une “appétence des citoyens pour les démarches participatives” (Tiphaine Chatton – Les Landes). De plus, “la participation des citoyens a apporté une nouvelle vision des actions menées par le Département et a pu influer sur certaines politiques départementales” (Dany Dutey – Lot et Garonne). Dans le Gers, l’idée que cela permet de “valoriser l’action départementale et de casser des préjugés sur les décisions prises” est également partagée. 

Quelles perspectives pour l’avenir ? Dans la plupart des départements interrogés, de nouvelles démarches sont en préparation voire déjà en cours. Il semble, à la lecture des témoignages, que tous partagent l’envie de continuer à innover et à inclure les citoyens. De plus, les prochaines élections départementales pourraient redéfinir les enjeux. D’édition en édition, les dispositifs ne cessent de gagner en précision. Ils s’enrichissent des retours des participants, mais également des premiers faux pas et connaissances pratiques que l’on ne peut acquérir que sur le terrain. Après tout, c’est en forgeant que l’on devient forgeron !

 

Pour bénéficier de conseils dans vos démarches, n’hésitez pas à entrer en contact avec l’équipe iD City. Devenir client iD City c’est entrer dans la communauté de nos partenaires, toujours pleine de bons conseils !  Vous pouvez également suivre nos actualités sur les réseaux sociaux ou en vous inscrivant à notre newsletter.

 

Personnes interrogées :

  • Dany Dutey

Cheffe du service Démocratie Participative – Département du Lot-et-Garonne

  •  Tiphaine Chatton 

Responsable service Démocratie Participative et Innovation – Département des Landes

  • Département du Gers
  • Jean Christophe Labails

Conseiller technique au cabinet du Président du Département de la Dordogne

  • Laurence Allefresde

Vice présidente en charge de la jeunesse, de la vie associative et du devoir de mémoire au Département de l’Ardèche

 

DES HANDI-VÉLOS POUR ARPENTER LES LANDES

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Pour sa première édition, le budget participatif des Landes a vu éclore un panel de projets hétéroclites. Avec 959 idées déposées sur la plateforme de participation, 367 éligibles et un total de 33 projets lauréats, c’est un pari gagné pour le département du Sud-Ouest !

 

Elodie, membre de l’association La Roue Tourne 40 fait partie des porteurs de projets lauréats du budget participatif. Son association met gratuitement à disposition du matériel de loisir pour les personnes à mobilité réduite. L’objectif ? Favoriser l’accès aux handisports via des dispositifs ingénieux tels que les Myolibs, des fauteuils adaptés au sport, performants et sécurisés. Pour ce budget participatif, c’est un voyage à Amsterdam et de longues balades sur les pistes cyclables des Landes qui ont fait tilt : pourquoi ne pas acheter des handi-vélos adaptés aux sorties à deux ? Ce projet, Elodie le pense d’intérêt public, étant elle-même au fait de “la difficulté d’accéder aux loisirs quand on est une personne à mobilité réduite”.  

 

Les photos sont disponibles sur la plateforme de participation des Landes

Magalie et Elodie Lard entourées de Denis Lavielle (CapVital, fournisseur des vélos), Louise Lesparre (co-présidente de « La roue tourne »), Sylvie Bergeroo (conseillère départementale) et Karine Rusalen (chef de projet BPC40) © La roue tourne 40

Ayant habituellement recours au sponsoring, elle tombe sur le projet de lancement de budget participatif des Landes. L’occasion de déposer une proposition afin de trouver les 20 000 euros nécessaires à l’achat de deux handi-vélos, à mettre à disposition dans le département. Avec un statut d’association et donc une structure juridique, ainsi que la possibilité d’établir un devis très précis, le dépôt de projet se fait très simplement. Le reste c’est une affaire de bouche-à-oreille et un peu d’interaction sur les réseaux sociaux témoigne Elodie : “Nous avons la chance d’avoir un réseau efficace, notre première publication a été partagée un nombre incalculable de fois, ça nous a fait beaucoup de pub… La puissance des réseaux sociaux !

 

 

 

ORGANISATION, PATIENCE ET PÉDAGOGIE

 

Les photos sont disponibles sur la plateforme de participation des Landes

« Une sensation de liberté » ©La Roue tourne

Elodie témoigne d’une expérience très positive, même si elle en garde un souvenir parfois haletant : “Pendant trois semaines nous étions le projet qui avait le plus de votes sur internet” ! La plateforme de participation numérique, un bon moyen de garder un œil sur le compteur des votes, bien que la plateforme ne fasse pas état des votes en mairies qui, le rappelle Elodie, peuvent “rebattre complètement les cartes”. Au coude à coude avec d’autres propositions, c’est un challenge qui peut durer plusieurs semaines ! Malgré tout, elle se remémore essentiellement une bonne ambiance et un dispositif bien organisé qui lui ont donné envie de reporter un projet à l’avenir. 

 

 

QUEL AVENIR POUR LE BUDGET PARTICIPATIF DES LANDES

 

En ce qui concerne le numérique et les avantages d’une plateforme de participation, pas de doute pour Elodie, c’est un apport. Elle esquisse cependant quelques limites, notamment pour les groupes de personnes âgées qui ne maîtrisent généralement pas l’outil. De l’importance d’avoir des dispositifs hybrides et d’accompagner les populations dans les différentes étapes de la démarche. Elle remarque également que la capacité à mobiliser un réseau est essentielle pour mener à bien sa proposition. C’est sur ce point que la taille de l’association peut avoir un impact sur le succès du projet, mais comme elle nous le fait remarquer, “c’est le lot de tous”. 

Alors que cette première édition a pris fin en 2019, la Roue Tourne 40 a depuis reçu deux handi-vélos qui permettent d’arpenter les routes des Landes en toute sécurité ! Lorsque nous lui demandons ce qu’elle pense de l’avenir du budget participatif, Elodie est optimiste : “je pourrais reporter un projet sans problème, pour me challenger. Je vois que ma commune a aussi prévu d’en lancer un, c’est quelque chose qui a donné des idées alors je trouve ça intéressant !

 

Découvrez la plateforme du budget participatif des Landes ici !

Pour davantage de témoignages de porteurs de projets, vous pouvez faire un tour ici !

 

Psst, suivez-nous sur les réseaux sociaux :

      

Coup d’oeil sur 2020

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En ce mois de février 2021, l’équipe d’iD City fait le point sur une année riche en nouveautés ! Retour sur 2020.

Nouvelles fonctionnalités de la plateforme

Une proposition est un élément central de la plateforme iD City. Celle-ci peut prendre plusieurs formes : projets, idées, contributions, signalements de dysfonctionnements sur la voie publique, etc.

En 2020, nos développeurs n’ont pas chômé afin de rendre les plateformes iD City plus agiles, fonctionnelles et performantes. Plusieurs éléments ont été ajoutés :

Une personnalisation accrue des formulaires

  • De nouveaux formats de champs additionnels (champs personnalisables que vous pouvez ajouter aux champs standards) sur le formulaire de dépôt d’idée sont désormais disponibles :
    • cases à cocher
    • listes de choix
    • zones de textes
    • nombres
  • Les réponses aux champs du formulaire de dépôt de propositions peuvent rester confidentielles. Elles ne seront visibles que par les administrateurs de la plateforme. Les autres utilisateurs du site n’auront pas accès à ces informations sur la page de l’idée.
  • Il est possible d’insérer un champ “commune” sur le formulaire d’inscription et des propositions. Ce champ est relié à la base de données des communes de l’INSEE.

Une gestion avancée des propositions

Chaque projet est associé à un statut. Afin d’économiser des clics, il est maintenant possible de modifier le statut de plusieurs propositions à la fois.

Une instruction avancée des propositions

Désormais, les propositions peuvent être instruites directement sur la plateforme (sans devoir passer par le back-office) selon des critères d’évaluation personnalisés par vos soins. Chaque proposition à instruire est étudiée au regard des critères paramétrés au préalable. Cette fonctionnalité peut être par exemple très utile pour instruire les projets d’un budget participatif (analyse de la recevabilité et de la faisabilité).

 

Capture d’écran d’une phase d’évaluation d’une proposition sur une plateforme iD City

Un affichage avancé des propositions

Vous pouvez dorénavant insérer une surcouche sur la carte des projets et sur la carte de géolocalisation des projets grâce à un fichier KML. Cela permet concrètement d’insérer une surcouche des cantons pour un département ou encore une surcouche des quartiers pour une commune.

Capture d’écran d’une surcouche des cantons dans une plateforme iD City

Un mode brouillon efficient

Les projets déposés peuvent être associés à un “statut éditable”, cela permet à l’auteur d’en modifier le contenu. Ainsi, les utilisateurs peuvent sauvegarder un brouillon de leur proposition avant de la soumettre définitivement. De même, si un projet est considéré incomplet par les administrateurs de la plateforme, ils peuvent le basculer de nouveau en “statut éditable” pour permettre à son auteur d’en modifier le contenu à posteriori.

Un nouveau mode de vote par points

Une nouvelle méthode de vote permet d’attribuer aux utilisateurs une enveloppe de points (par exemple 100 points) à répartir parmi les projets soumis au vote. Il est possible de définir un nombre minimum et maximum de points à attribuer à chaque projet.

Un moteur de recherche efficace

Nous avons ajouté une barre de recherche pour trouver plus aisément les projets déposés sur la plateforme.

Un agenda pour mieux communiquer

Un agenda a été intégré à la plateforme afin de pouvoir communiquer efficacement sur tous les temps forts des démarches participatives.

Les nouveaux partenaires iD City

Bien que la crise sanitaire a considérablement ralenti les divers projets des collectivités, cela a néanmoins mis en exergue la résilience des structures équipées avec des outils numériques. En 2020, iD City a mis en place un certain nombre de nouveaux partenariats, parmi lesquels :

Des nouveaux projets participatifs du côté des collectivités

Nous avons également diversifié notre accompagnement auprès d’autres types de structures, tels que :

Des bailleurs sociaux qui s’engagent pour leurs locataires

ICF Habitat Atlantique (bailleur social) qui a ouvert deux plateformes :
une plateforme d’appel à projet pour ses locataires
une plateforme d’appel à projet en interne pour les collaborateurs

1001 vies habitat (bailleur social), qui nous a sollicité pour une prestation de conseil en concertation. Nous avons donc réalisé un diagnostic de leurs pratiques de concertation et élaboré une nouvelle politique de concertation à destination des locataires dans le cadre de travaux.

L’Université de Paris-8 à l’écoute de ses étudiants

Université Paris-8 : Préparation des démarches participatives 2021.

La communauté des partenaires

En septembre dernier, nous avons organisé une rencontre à Nantes entre les différents partenaires iD City. L’occasion pour tous et toutes d’échanger sur leurs expériences et bonnes pratiques autour de la démocratie participative, tout en participant à des ateliers collaboratifs.
Suite à cette journée et aux retours récoltés, nous avons eu la volonté d’offrir un terrain d’échange à la communauté des partenaires iD City. C’est dans cette optique qu’en janvier 2021, nous avons lancé une plateforme spécifique à cet usage.

L’équipe iD City s’agrandit

Entre septembre 2020 et début 2021, nous avons agrandi notre équipe en accueillant 9 nouvelles personnes :

Pôle technique :

  • Théo Djennane, développeur web
  • Ronan Kergosien, intégrateur & designer
  • Bastien Thomas, développeur web
  • Anthony Matignon, développeur web

Pôle conseil en concertation et support :

  • Tiphaine Lehuré, chargée de conseil

Pôle commercial et marketing :

  • Clotilde Séjourné, chargée de communication
  • Jules Grolier, chargé de développement commercial
  • Romain Bethys, chargé de développement commercial
  • Samba Djimera, chargé de développement commercial

Le renforcement de notre équipe va nous permettre de continuer à améliorer notre plateforme tout en mettant en place de beaux projets en 2021 ! Pour rester au courant de nos actualités, suivez-nous sur les réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn, Twitter) et n’hésitez pas à vous abonner à notre newsletter.

 

Budget participatif – Participer à une commission citoyenne

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Il y a un an, le Département de la Dordogne lançait la première édition de son budget participatif. Avec 30 577 votants, cette première a été une réussite en terme de participation. Mais la méthode du budget participatif de la Dordogne s’est aussi distinguée par l’usage d’un outil qui vise à impliquer davantage les citoyens dans la démarche : la commission citoyenne. Nous avons présenté il y a quelques mois le fonctionnement de la commission citoyenne du budget participatif de la Dordogne grâce à un échange avec Jean-Christophe Labails, conseiller technique au cabinet du Président du Département, Germinal PEIRO. 

Afin de compléter cette présentation, nous avons échangé avec Nadine, Francis et Claude, tous les trois membres de cette commission citoyenne. Nous avons récolté leur ressenti sur leur rôle de membre. 

Des motivations variées

Pour encourager les inscriptions à l’expérimentation de la commission citoyenne, le Conseil départemental a utilisé plusieurs supports de communication : un appel à candidatures large par la presse, la caravane du budget participatif et un courrier aux associations. C’est par ce biais que Nadine, Francis et Claude ont découvert le lancement de la commission citoyenne. Mais qu’est-ce qui a motivé leur participation ?

Les motivations sont variées. Nadine était curieuse de voir de l’intérieur comment le Département allait mener cette expérience, “je voulais découvrir comment ça allait se passer de plus près car ce n’est pas une démarche courante”. Intéressé par les démarches citoyennes, c’est tout naturellement que Claude s’est inscrit à la commission citoyenne, “c’est le fondement de notre démocratie et on a intérêt à s’approcher quand il y a des démarches innovantes de ce type”. Francis a lui pensé que s’investir dans la commission citoyenne était une bonne occasion de mieux connaître le territoire du département. Tous ont également déclaré que c’était une manière de s’intégrer davantage en rencontrant de nouvelles personnes.

Une instruction en présentiel et en ligne 

Claude rappelle que la mission principale de la commission citoyenne est de procéder à l’étude de recevabilité de toutes les idées déposées, plus de 600 en 2019, et ainsi “retenir les projets éligibles”. En l’espace de quelques semaines, les membres se réunissent plusieurs fois à Périgueux pour accomplir leur tâche. Au cours des réunions, les membres de la commission citoyenne sont répartis en groupes de quelques personnes et accompagnés par un agent du Département. Ils disposent d’un lot de projets à étudier. Ces projets sont attribués de manières aléatoire à tel ou tel groupe. Il n’y a pas de groupes dédiés à une thématique ou un territoire en particulier. 

Francis précise que chaque groupe a pour mission “d’analyser tous les projets qui lui sont attribués et ensuite de trier et retenir ceux qui correspondent aux critères de recevabilité”. Cette analyse ne suppose pas un jugement personnel mais bien l’application stricte des critères de recevabilité des projets précisés dans le règlement du budget participatif, “il y a des projets qui sous tendent un intérêt personnel, privé et non collectif donc il fallait bien les éliminer” (Nadine). Claude affirme que chaque membre du groupe donnait son avis sur les projets, “autour d’une même table, les 7 ou 8 personnes pouvaient s’exprimer librement et on recueillait l’avis des uns et des autres”.

Photo d'une réunion de la commission citoyenne au cours de l'instruction des idées.

Rapidement après le lancement de la commission citoyenne, le Département a choisi d’ouvrir un espace d’instruction privé sur sa plateforme numérique de budget participatif. Les membres pouvaient ainsi préétablir des préconisations sur les idées à instruire. Ces préconisations étaient validées lors de la réunion suivante. Selon Nadine, “c’était bénéfique de pouvoir regarder ou donner un avis sur les projets à instruire directement sur la plateforme. Tout le monde ne pouvait pas venir à chaque réunion et comme ceci même les absents pouvaient s’exprimer”. Les membres se sont aussi bien investis en réunion que sur la plateforme numérique puisque plus de 1700 commentaires ont été déposés dans l’espace d’instruction privé. Face aux difficultés d’organisation de réunions engendrées par l’épidémie de COVID 19, le Département de la Dordogne a décidé de renforcer l’usage de cet espace d’instruction privé à destination des membres de la commission citoyenne au cours de la deuxième édition.

En complément des missions principales, quelques membres de la commission citoyenne ont participé à la commission de dépouillement à l’issue de la phase de vote, “on était 8 à superviser le dépouillement : 4 personnes du Département et 4 membres de la commission citoyenne” (Francis). Leur mission était de dépouiller les bulletins papier récoltés sur les marchés et déposés dans les mairies. Après le dépouillement, ils ont ensuite validé la liste des projets lauréats. Cette pratique s’inscrit elle aussi dans une volonté de transparence.

“On arrivait facilement à se mettre d’accord au cours de l’instruction”

L’étape d’instruction est la plupart du temps réalisée par les agents des collectivités. Les citoyens sont eux rarement associés à cette démarche. Pour autant, rencontrent-ils des difficultés particulières ? A entendre les membres interrogés, la réponse est plutôt non.

Tous sont d’accord pour dire que le travail d’instruction s’est fait assez naturellement, “on arrivait facilement à se mettre d’accord au cours de l’instruction. On connaissait les critères : l’intérêt général, la faisabilité dans l’année, les limites de budgets, etc” (Claude). L’application de critères objectifs de recevabilité laisse peu de place aux doutes, “il y avait des critères relativement stricts à respecter. Dans mon groupe, quelquefois les gens auraient bien choisi des projets par affinité ou sentimentalement. Il fallait éviter ce genre de choses. C’était la principale difficulté” (Francis). 

Photo d'une réunion de la commission citoyenne au cours de l'instruction des idées.

Si opérationnellement l’instruction par la commission citoyenne n’a pas rencontrée d’accrocs, en revanche quelques membres n’ont pas toujours trouvé aisé la communication sur leur rôle auprès de la population. Nadine a par exemple observé que certains citoyens n’ont pas bien compris quel était le rôle de la commission citoyenne, “la communication avec la population n’a pas toujours été simple. Notamment quand nous avons éliminé certains projets qui n’entraient pas dans le cadre de recevabilité. Certaines personnes disaient : vous décidez pour nous. Mais non. Certains porteurs indiquent 1€ de budget pour que le projet soit accepté mais ce n’était qu’une idée et non un projet un tant soit peu structuré” (Nadine). 

Un regard sur les améliorations à apporter

Initialement, la commission citoyenne devait se réunir pour échanger sur les améliorations à apporter au fonctionnement du budget participatif. En tant qu’organe chargé du suivi du budget participatif, il apparaissait pertinent pour le Département d’associer ses membres aux évolutions du dispositif. Malheureusement, l’épidémie de COVID 19 n’a pas permis d’organiser ce temps d’échange.

Interrogés sur les évolutions à apporter au budget participatif, les membres avec qui nous avons échangé ont eu des difficultés à exprimer des préconisations d’évolution. Selon eux, la première édition était déjà bien aboutie, “personnellement, je n’ai pas l’impression qu’on puisse faire beaucoup mieux. On peut faire différemment mais faire différemment ne veut pas dire faire mieux” (Claude).

Francis pense tout de même qu’il faut allonger la phase d’instruction, “les réunions ont été organisées vite et dans un temps relativement court. L’absence de choix dans les dates de réunion a empêché la présence de certains membres”. Conscient de cette difficulté, le Département a en effet prévu d’allonger la durée de la phase d’instruction au cours de la seconde édition du budget participatif. Il n’y a nul doute qu’une réunion d’échanges sur les améliorations à apporter aurait aboutit à des enseignements complémentaires. 

Une expérience positive renouvelée

Enfin, les membres de la commission citoyenne ressentent de la fierté d’avoir participé à ce travail collectif. Claude a particulièrement apprécié d’échanger avec des citoyens assez diversifiés, “il y avait du personnel salarié, des employés de structures sociales, des retraités, des personnes de tout âge. C’était très riche. Je crois que c’est ce qui a fait la force de notre analyse. On avait des yeux, des vues différentes sur les projets et c’est en concordance entre nous qu’on a détecté la recevabilité des projets”. De son côté, Nadine retient surtout que son implication lui a permis d’avoir une meilleure connaissance de son département, “l’observation des projets déposés donne un aperçu des aspirations de la population, même si certains projets sont irréalistes. Ca donne le pouls d’une région, de ce dont les gens ont besoin et ça donne une bonne photographie du territoire”. 

Après avoir participé à cette première commission citoyenne, les membres sont convaincus de son intérêt et de sa plus value pour une collectivité, “je ne vois pas quel intérêt on aurait à s’en passer. Au contraire, c’est un message d’ouverture de la collectivité pour impliquer le citoyen à contribuer à la démocratie de notre pays” (Claude). Ils observent plusieurs effets bénéfiques : une commission citoyenne permet aux membres “de mieux appréhender les difficultés que peuvent rencontrer les agents du conseil départemental” (Claude); elle permet aussi de diffuser plus largement l’information au sein de la population car les membres sont des ambassadeurs du dispositif. 

En bref, une commission citoyenne nécessite d’accorder des moyens supplémentaires à son budget participatif. Les bénéfices sont bien plus enrichissants, aussi bien pour les élus, les agents que pour les citoyens !

Le Département de la Dordogne est convaincu par l’expérimentation. Les inscriptions sont relancées pour la deuxième édition. Inscription sur budgetparticipatif.dordogne.fr.

Découvrez un panorama des bonnes pratiques et une méthode pour la mise en place d’un budget participatif dans Le guide pratique du budget participatif.

Budget participatif et commission citoyenne : mode d’emploi

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En juillet dernier, le Département de la Dordogne a lancé son premier budget participatif. Souhaitant permettre aux citoyens de gérer une partie du budget, le Conseil Départemental est allé au bout de la démarche en associant son budget participatif à une commission citoyenne.   Cette dernière permet d’instaurer plus de délibération au sein d’un dispositif où les projecteurs sont le plus souvent tournés vers les chiffres de participation. Jean-Christophe Labails, conseiller technique au cabinet du Président du Département, Germinal PEIRO, nous précise le fonctionnement de la commission citoyenne du budget participatif Dordogne-Périgord.

Qu’est-ce que c’est une commission citoyenne ?

En bref, une commission citoyenne est un groupe composé de citoyens et (parfois) d’élus. Garants de l’intégrité de la démarche, ils sont chargés du suivi du budget participatif et de ses évolutions. D’une collectivité à une autre, les missions et la composition des commissions citoyennes diffèrent. La commission citoyenne du Département de la Dordogne est un exemple parmi d’autres mais la méthodologie employée ici est selon nous une belle source d’inspiration !

Pour Jean-Christophe Labails, la commission citoyenne est un organe du budget participatif, “le principe est de laisser les citoyens gérer une partie du budget d’investissement du Département”. Plutôt que confier intégralement le suivi du dispositif aux agents du Département, la Dordogne a fait le choix de créer une commission citoyenne pour déléguer une partie de la gestion aux citoyens. Dans les années à venir, l’objectif est de faire en sorte que le citoyen ait encore plus d’emprise sur le dispositif, “on est sur une première édition donc les élus ont décidé d’un règlement mais l’objectif est que les citoyens puissent le faire évoluer à l’avenir”. Puisque l’enveloppe budgétaire est votée, charge aux citoyens de s’en emparer comme ils le souhaitent !

Une composition mixte

La commission citoyenne de la Dordogne est composée de citoyens et d’élus, “le nombre d’élus respecte la proportion des groupes politiques du Conseil Départemental”. Du côté des citoyens, un appel a été lancé auprès des associations connues par le Département, “le Président les a informé de la tenue du budget participatif et de la création de la commission citoyenne. Il les a invité à suivre cette dynamique”. Au mois de septembre, la caravane du budget participatif qui a sillonné les marchés du département a également encouragé les citoyens à s’inscrire à la commission citoyenne. Ce sont les membres de la commission citoyenne qui ont décidé de la date de fermeture des inscriptions. Pour cette première édition du budget participatif, 115 membres composent la commission citoyenne. 

Une méthode de travail qui alterne présentiel et numérique

Chargée du suivi du budget participatif dans son ensemble, la commission citoyenne effectue des missions qui évoluent au gré des étapes de la démarche : définition des conditions de dépôt et de vote, instruction des idées, validation des projets soumis au vote, veille au bon déroulement de la campagne, évaluation de l’édition pour faire évoluer le règlement l’année suivante… La commission citoyenne n’a pas un simple rôle consultatif mais un réel pouvoir d’arbitrage, “toutes les idées ont été lues par les membres, tous les projets soumis ont été validés en amont du vote”. Les membres tiennent à appliquer le règlement à la virgule près !

Au cours de la démarche, la méthode d’instruction des idées a évoluée,  “en amont de de la commission citoyenne, une commission administrative, composée d’agents, se réunissait pour déterminer la recevabilité des idées sous un regard technique”. Cette commission administrative avait pour but de donner des pistes de réflexion aux membres de la commission citoyenne, “on s’est rendu compte que la plupart du temps, les avis de la commission administrative étaient les mêmes que ceux de la commission citoyenne”. Selon Jean-Christophe, “il y a toujours des raisons objectives pour accepter ou refuser un projet”. L’équipe chargée du budget participatif a progressivement allégé la procédure d’étude des projets après avoir observé que les citoyens pouvaient être relativement autonomes à ce sujet.

Une méthode d’instruction en ligne

De septembre jusqu’au mois de décembre, les membres se sont réunis 5 fois pour l’instruction des idées et plus récemment pour valider les résultats définitifs du budget participatif. L’originalité de la commission citoyenne de la Dordogne, réside dans sa méthode de travail qui alterne des temps de travail en plénière et des temps de travail à distance via la plateforme numérique, “dès la première réunion, ils ont voulu être associés en amont des réunions plénières à la réflexion sur les idées. Notamment parce qu’il y avait la question de la distance”. Pour ne pas pénaliser les membres qui ne peuvent pas se rendre à une réunion, un espace d’instruction privé a été configuré sur la plateforme numérique, “on a créé sur la plateforme un espace où ils pouvaient discuter en amont et déjà pré-établir des préconisations sur les idées”. Plus de 1700 commentaires ont été déposés sur la plateforme par les membres. La preuve que la commission citoyenne a créé une belle émulation collective chez ses membres !

Plus de garanties de transparence et d’intégrité de la démarche

Rien n’oblige une collectivité à mettre en place une commission citoyenne, mais vu les bienfaits observés il serait dommage de s’en priver ! Pour Jean-Christophe, la plus-value numéro 1 d’une commission citoyenne c’est la plus forte implication des citoyens qu’elle génère, “le fait d’être acteur, que les citoyens soient en capacité d’animer et de gérer le budget participatif eux-mêmes”. La seconde plus-value, c’est le gain de confiance des citoyens envers l’intégrité de la démarche, “ils ne peuvent pas avoir de suspicions sur la sincérité de la démarche. Des membres, rencontrés sur les marchés, se sont inscrits car ils étaient sceptiques. Ils nous disaient : on n’y croit plus. Nous les avons encouragés à s’inscrire pour voir d’eux-mêmes. Et ils voient bien que la commission citoyenne fonctionne”. Enfin, ce mode de fonctionnement permet aussi aux “membres de comprendre comment fonctionne une politique publique et comment vivre la décision politique. Ils se réapproprient un espace politique”. Des bénéfices observables pour l’ensemble des budgets participatifs mais qui sont renforcés grâce à l’introduction d’une commission citoyenne.

D’autres vertus sont visibles en interne, au sein de la collectivité. Notamment le changement de posture de l’agent qui passe de technicien à facilitateur de projet. Jean-Christophe prend l’exemple de la phase d’analyse des idées pendant laquelle les agents du Département ont reçu une feuille de route par les membres de la commission citoyenne, “certaines idées impliquaient des dépenses de fonctionnement et étaient donc hors règlement. Les membres nous ont donné comme mission de recontacter les porteurs pour transformer leurs idées. L’idée c’est d’accompagner le citoyen pour que son projet se réalise”. 

L’organisation de la commission citoyenne consomme beaucoup de temps de travail et nécessite de la réactivité. Jean-Christophe considère que créer une commission citoyenne “est plus lourd mais aussi plus intéressant et stimulant”. Que retenir donc de cette expérience ? Au delà des chiffres de participation, un groupe plus restreint qui fournit un travail qualitatif aussi précieux est également le symbole d’une belle vitalité citoyenne !

Pour en savoir plus sur le budget participatif Dordogne-Périgord.

Un musée archéologique à Montpézat

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Le premier Budget Participatif Gersois a donné vie à des projets assez hétérogènes. Il y a quelques semaines, nous vous présentions le projet de borne musicale pour les EHPAD de Lombez et Samatan porté par l’association Vivre Toujours. Aujourd’hui, nous faisons la connaissance d’Olivier et de son projet de centre d’exposition archéologique.

Olivier, retraité de l’industrie qui gérait un bureau d’études, est passionné d’archéologie depuis l’âge de 8 ans. Archéologue amateur, il parcourt sa région à la recherche de traces historiques, “nous faisons de la prospection pédestre sur le canton de Lombez. C’est à dire qu’au cours de nos randonnées dans les champs labourés nous essayons de découvrir des sites allant de la préhistoire au Moyen-Age”. Cette activité s’effectue en partenariat avec le Service Régional de l’Archéologie (SRA), “il faut avoir une autorisation de prospection. Toutes les traces qu’on peut trouver dans les champs sont inventoriées dans un rapport que nous remettons en fin d’année au SRA”. Par ce partenariat, Olivier a obligation de restituer à l’Etat tous les objets qu’il trouve.

Depuis deux ans à la retraite, il décide de créer une association : CERAMES (Centre d’Expositions et de Recherches Archéologiques de Montpézat En Savès), “l’idée de l’association est d’ouvrir un centre d’exposition archéologique, tout en poursuivant le travail de prospection”. L’association a signé une convention avec le SRA pour pouvoir conserver les objets collectés dans la région et les exposer à Montpézat. Séduits “par l’originalité d’un projet de musée en pleine campagne” l’association compte déjà plus d’une cinquantaine d’adhérents.

L’aménagement intérieur financé par le Budget Participatif Gersois

Le centre d’exposition va ouvrir dans un bâtiment qui appartient à Olivier. Il avait acheté il y a longtemps un terrain sur lequel est construit un ancien silo à grain en bon état. Sa passion archéologique prenant le dessus, il s’est dit : “Pourquoi ne pas transformer ce bâtiment en centre d’exposition ” ? Le lancement du budget participatif a boosté la concrétisation de son projet. “Lorsque nous avons appris le lancement du  budget participatif, je me suis dit que c’était une opportunité unique pour nous. C’était vraiment inespéré ! Nous avons  tout de suite postulé”. Grâce au budget participatif, le projet de centre d’exposition va bénéficier de 35000€ pour son aménagement intérieur : vitrines, éclairages, éléments audiovisuels, PC, vidéoprojecteur, écran, chaises et tables. Depuis un an et demi, les membres de l’association sont à pied d’œuvre pour ouvrir le centre d’exposition pour lequel l’inauguration est prévue au printemps 2020.

Le musée sera composé de trois espaces distincts. La première salle sera dédiée aux expositions de céramiques régionales. Un collectionneur de céramiques, datées du XVe siècle à nos jours, a prêté ses pièces à l’association. Le deuxième espace sera centré sur l’archéologie locale, “les plus beaux objets que nous avons trouvés dans la région ainsi que d’autres donnés par des collectionneurs locaux”. Enfin, le troisième espace accueillera des expositions temporaires pas uniquement en lien avec l’archéologie, “des expositions sur des peintures ou des sculptures d’artistes locaux par exemple”.

Valoriser le patrimoine local

Les motivations d’Olivier à l’origine de ce projet sont multiples. La première est de “donner un coup de pouce au village”. En faire un lieu de passage pour que les touristes s’arrêtent à Montpézat et ainsi valoriser le patrimoine local. La seconde a un objectif plus pédagogique, “accueillir des classes de l’école primaire jusqu’au lycée. Faire des animations autour de l’archéologie et de l’histoire locale et aussi intéresser les archéologues professionnels et étudiants en archéologie des universités de Toulouse et Bordeaux”.

Soutenu par la population et les élus locaux, le projet de centre d’exposition archéologique a récolté 630 voix au premier Budget Participatif Gersois. Pour suivre la réalisation du projet, rendez-vous sur le site web de l’association CERAMES : https://associationarcheologiquecerames.wordpress.com/.

Pour suivre l’actualité du Budget Participatif Gersois, cliquez ici !

Vous voulez créer un budget participatif ou faire évoluer l’existant ? Téléchargez le guide pratique du budget participatif !

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