A quoi ressemblera le budget participatif de 2030 en France ?

Imaginer le budget participatif de 2030 en France

Voici la question que nous avons posée à un universitaire, un agent et des citoyennes : A quoi ressemblera le budget participatif de 2030 en France ?

Trois réponses sont possibles. La seule vraie réponse à la question de savoir ce que seront les budgets participatifs en 2030, c’est que l’on ne sait pas. C’est une échéance très lointaine au regard de la fragilité de nos sociétés et de nos systèmes politiques.
J’ai le sentiment que l’institutionnalisation du budget participatif n’est pas achevée. Les budgets participatifs continuent à être méconnus des citoyens. On peut donc dire que leur avenir n’est pas du tout assuré.
Il est possible néanmoins de prédire que le mouvement en faveur de la numérisation des démarches participatives va sans doute s’amplifier et d’espérer que leur dimension délibérative, très négligée aujourd’hui, se renforcera en permettant aux porteurs de projet et aux citoyens de confronter leurs visions dans la communauté politique et de l’espace public.

Loïc Blondiaux, professeur et chercheur spécialiste de la démocratie participative à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne

Si les élus sont réalistes, cela devrait se développer, mais il y a une double difficulté. D’abord la population méconnaît le fonctionnement de ses territoires. D’autre part, si les départements y ont intérêt, les communautés de communes le devraient aussi, car le niveau communal n’est plus pertinent pour de nombreuses compétences. Le budget participatif encourage à travailler ensemble, ce qui est plus productif et optimise les actions, mais peut aussi réduire les incohérences, les inerties et l’inefficacité dues à l’individualisme qui existent tant dans la population que chez les élus. Encore faut-il qu’existe un véritable esprit d’équipe.

Nadine Rybarczyk-Michel, membre de la Commission citoyenne du budget participatif Dordogne-Périgord

Ce que je retiens de mon expérience, c’est la qualité de l’accompagnement par les services de Lanester. Dès qu’on était perdu, ils étaient là pour nous encourager. Je dis “on” car nous avons fusionné nos projets avec Juliette ce qui a créé un super engouement et une solidarité entre nous deux. Sur le long terme, ce dispositif mérite d’être mieux connu. Lorsqu’on allait à la rencontre des potentiels votants lors de la campagne de vote, nous nous sommes rendus compte de leur méconnaissance du budget participatif, alors que le principe les intéressait pourtant réellement !

Laurence Arnoult, Co-porteuse du projet « Auprès de mon arbre…» , Budget participatif 2019 de Lanester

On pourrait imaginer que le budget participatif soit un budget dédié à des innovations sociales et territoriales. On proposerait aux citoyens de construire, à des endroits donnés, de nouvelles interfaces sociales. […] La question qui se pose est “comment proposer aux citoyens d’inventer, d’innover sur les territoires“? On trouverait des modalités pour créer collectivement des choses qui ne sont pas encore proposées. Les réponses pourraient ne pas être que marchandes. On aurait une question et le but serait de savoir si la question se pose réellement et comment on y répond collectivement.

Michel Pieyre, Directeur Mission développement durable, études et prospective au Conseil Départemental de l’Hérault

 

 

Sources à l’origine de l’article :

– Observations de l’équipe d’iD City à retrouver en intégralité dans le Guide pratique du budget participatif en ligne ou au format PDF

Le budget participatif et ses outils

Principes du budget participatif et ses outils de mise en œuvre

le budget participatif et ses outils

Le budget participatif est cyclique.

Ses outils de mise en œuvre sont les suivants :

  • Un calendrier adapté
  • Des moyens financiers
  • Des moyens humain
  • L’évaluation

Le budget participatif est transparent.

Ses outils de mise en œuvre sont les suivants :

  • Un règlement du budget participatifs
  • Des critères de recevabilités clairs
  • La gestion de projet
  • La communication
  • L’évaluation

Le budget participatif est inclusif et accessible.

Ses outils de mise en œuvre sont les suivants :

  • Le numérique
  • Le présentiel
  • La diversité des modes de participation
  • La communication
  • La diversité des moyens de mobilisation

Le budget participatif est adaptable.

Ses outils de mise en œuvre sont les suivants :

  • Les thématiques diverses
  • Des échelles de périmétrie de la démarche
  • Le public cible
  • La diversité des moyens de mobilisation
  • Le vote

Le budget participatif est basé sur le principe de la délégation de pouvoir.

Ses outils de mise en œuvre sont les suivants :

  • Le portage politique
  • Le budget alloué
  • Le vote

Le budget participatif est délibératif et collaboratif.

Ses outils de mise en œuvre sont les suivants :

  • L’expertise d’usage
  • Des ateliers de co-construction
  • L’expertise technique
  • Une commission citoyenne

 

 

Sources à l’origine de l’article « Le budget participatif et ses outils » :

– Observations de l’équipe d’iD City à retrouver en intégralité dans le Guide pratique du budget participatif en ligne ou au format PDF

Communication et mobilisation du budget participatif

La communication et la mobilisation du budget participatif sont le fer de lance de la participation. Le meilleur des dispositifs, s’il n’est pas accompagné d’une communication minutieuse et évolutive, est voué à l’échec. Cette communication est composée de deux axes principaux : la communication interne et la communication externe. Mais elle inclut également un volet de communication politique inhérent au dispositif.

La communication politique

Le budget participatif est un acte politique fort puisqu’il s’agit de déléguer une part du budget d’investissement aux citoyens.

De ce fait, les élus en font un argument de communication politique. Celle-ci doit donc être organisée au mieux pour trouver un juste milieu. Une mise en retrait trop
importante dévaloriserait le dispositif et une omniprésence porterait atteinte à la crédibilité du budget participatif organisé.

Objectifs :

  • Donner une légitimité politique au budget participatif
  • Trouver un équilibre entre communication institutionnelle et communication politique

Acteurs :

  • Les élus en charge du budget participatif
  • Le cabinet politique
  • Le service en charge du budget participatif

Conseil :

Isoler les moments-clés du budget participatif comme l’annonce des lauréats ou l’inauguration des projets pour une communication politique bénéfique au dispositif.

La communication interne

Les projets du budget participatif concernent la plupart des services de la collectivité.

De plus, la nouveauté de ce dispositif peut effrayer certains services ou soulever des questions. C’est notamment pour ces raisons que la communication interne doit être la plus efficace et la plus précoce possibles.

Objectifs :

  • Former et sensibiliser les services au budget participatif
  • Anticiper la future charge de travail des services
  • Fluidifier la transmission des informations entre les services

Acteurs :

  • Le service en charge du budget participatif comme pivot de cette communication
  • L’ensemble des services de la structure

Conseil :

Certaines collectivités désignent un ou plusieurs interlocuteurs par service, afin de réguler le dialogue avec le service en charge du budget participatif.

La communication externe : le rayonnement du budget participatif

C’est la face visible de l’iceberg pour le budget participatif. Elle comprend l’ensemble des opérations de communication vers les destinataires du dispositif.

Cet aspect de la communication appelle à la construction d’une stratégie de communication qui reprend les codes de la communication publicitaire et s’éloigne de la communication publique classique.

Objectifs :

  •  Faire connaître l’existence du budget participatif
  • Communiquer le règlement du dispositif
  • Provoquer la participation du plus grand nombre

Acteurs :

  • Le service en charge du budget participatif
  • Le service communication
  • Le cabinet politique
  • Éventuellement faire appel à une agence de communication

Conseil :

Les diverses expériences en matière de budget participatif témoignent de l’importance du contact direct. Il est nécessaire d’aller à la rencontre des habitants pour provoquer la participation.

La communication externe : l’accompagnement des porteurs de projets

Cette facette de la communication peut être considérée à cheval entre la communication interne et externe.

Elle consiste à gérer et dynamiser les contacts entre les porteurs de projets et les services qui les réaliseront.

Objectifs :

  • Faciliter les relations entre les porteurs de projet et les services en charge de l’étude et/ou la réalisation des projets
  • Faciliter le travail des services en charge de la réalisation

Acteurs :

  • Le service en charge du budget participatif
  • Les porteurs de projets
  • Les services en charge de la réalisation des projets

Conseil :

Communiquer également aux porteurs d’idées non recevables les motifs de refus pour garantir la transparence du dispositif

 

Sources à l’origine de l’article « Communication et mobilisation du budget participatif » :

– Observations de l’équipe d’iD City à retrouver en intégralité dans le Guide pratique du budget participatif en ligne ou au format PDF

Les phases du budget participatif

Déclinaison des 6 phases du budget participatif 

On repère traditionnellement six phases dans un budget participatif : une première de structuration, quatre de mise en œuvre (l’appel à idées, l’analyse des idées, le vote des projets et la réalisation des projets)  et une dernière d’évaluation du dispositif.

les phases du budget participatif

1/ Structurer le budget participatif

Tout d’abord, lors de la création du budget participatif, la première phase consiste à définir les modalités d’organisation du dispositif pour l’adapter à son territoire.

Il faut au préalable se poser une question centrale : pourquoi mettre en place un budget participatif dans la collectivité ?

Les objectifs identifiés vont guider la structuration du budget participatif. Une collectivité peut privilégier l’inclusion, la justice sociale ou encore d’autres critères
comme le renforcement de la démocratie locale.

Quels publics cibles ?

Il est important de se demander qui peut participer en fonction des objectifs défendus par le budget participatif.

Il existe plusieurs options méthodologiques pour définir les publics invités à participer :

  • Cibler un public spécifique en créant un budget participatif réservé aux jeunes.
  • Limiter la participation en fonction de la qualité juridique des participants entre personnes morales / personnes physiques.
  •  Ouvrir la démarche aux usagers du territoire ou seulement aux habitants.
  • Réglementer l’âge limite des participants, pour permettre à des mineurs de participer.

Quand ?

Le budget participatif est caractérisé par une dimension cyclique. C’est à dire qu’il est renouvelé à intervalles réguliers : une édition tous les ans ou tous les deux ans en fonction des structures et des stratégies.

  • Une édition annuelle, option la plus souvent choisie, permet aux citoyens de s’approprier rapidement le dispositif.
  • La qualité d’un dispositif bi-annuel est de donner plus de temps aux services pour organiser au mieux le dispositif, tout en accroissant les capacités financières
    allouées au budget. Cet intervalle permet de promouvoir le budget participatif grâce aux projets réalisés de l’édition précédente.

Quel calendrier définir ?

Pensés sur un ou deux ans, les cycles des budgets participatifs demandent à être planifiés et partagés par les différentes parties prenantes.

De plus, certaines phases sont chronophages et sollicitent différemment les personnes, agents ou élus. Le calendrier est à penser en articulation avec les autres projets
portés par la structure organisatrice. Les durées des phases de la frise sont issues d’observation de terrain et sont données à titre indicatif. Le temps à y consacrer
dépend notamment des moyens alloués au dispositif et des méthodes choisies.

Le schéma ci-dessous donne un ordre de grandeur indicatif de la durée de chacune des phases du budget participatif :

les phases du budget participatif

Les données nécessaires à l’évaluation sont récoltées lors des phases précédentes.

Quel montant ?

Le montant des budgets alloués, ainsi que les moyens mis à disposition du dispositif varient en fonction de la taille et des capacités des collectivités.

Habituellement les budgets participatifs oscillent entre 2,5 % et 5 % du budget d’investissement de la structure. En moyenne, le budget attribué aux budgets
participatifs représente 6,50 € par habitant. Des collectivités font le choix d’encadrer le coût maximal par projet. Ce qui a pour conséquence de multiplier le nombre de projets lauréats.

Exemple : Les 3 projets “exceptionnels” des Landes

Le département des Landes a choisi de plafonner le montant maximal des projets en créant deux catégories. La première comprend les projets dont le coût est inférieur à 80 000 €. La seconde intègre les projets compris entre 80 000 € et 100 000 € dont le nombre de lauréats est limité à 3.
Grâce à ce système, l’enveloppe du budget participatif du Département a pu financer des projets de moins grande envergure qui n’auraient pas été lauréats si le nombre de projets plus coûteux n’avait pas été limité.

Quelle organisation géographique ?

Le budget participatif est toujours limité au territoire de la collectivité, mais il existe quelques modalités d’organisation géographique particulières :

  • Diviser géographiquement son territoire pour s’assurer que chaque quartier ou canton dispose d’un projet lauréat. Ce qui permet d’assurer une répartition égalitaire sur le territoire.
  • Opérer une redistribution sociale en favorisant l’émergence de projets dans certains secteurs géographiques, ce qui témoigne d’une vision plus équitable du budget participatif.

Exemple : ”Au moins 30 Millions d’euros de projets” pour les quartiers populaires à Paris

Paris réserve au moins 30 millions d’euros pour les quartiers populaires par édition, depuis 2016. Les fonds sont répartis à part égale entre les budgets participatifs des arrondissements (15M€) et celui du tout Paris (15M€). Ils permettent de renforcer l’équité territoriale et la justice sociale. Cette démarche est amplifiée par un financement annuel à des associations sur le terrain, accompagnant les porteurs de projets.

Quelle gouvernance ?

Le budget participatif est une démarche qui vise à associer les citoyens à la politique budgétaire de la collectivité. La gouvernance et l’organisation sont internalisées ou partagées. Cette démarche permet d’introduire une nouvelle forme de participation à la vie publique.

Le moyen privilégié pour associer les citoyens est la création d’une commission citoyenne, composée de citoyens volontaires et parfois d’élus. Elle est généralement
garante de l’intégrité de la démarche, chargée du suivi du budget participatif (étude de la recevabilité, dépouillement…) et de ses évolutions. Cependant, le type de gouvernance employé varie d’une collectivité à une autre :

  • Gouvernance internalisée : seule la structure organisatrice a un pouvoir de décision sur le cadrage de la démarche.
  • Gouvernance partagée mixte : les citoyens ont une place dans le processus de décision et de cadrage du dispositif. Cela peut prendre la forme d’une commission mixte composée d’élus et de citoyens ou bien de deux commissions distinctes, l’une citoyenne et l’autre politique.
  • Gouvernance déléguée : les citoyens décident des modalités de mise en œuvre du dispositif. Les élus sont seuls garants de la légalité de la démarche, les citoyens ont un mandat pour l’organisation.

Ainsi, pour ce qui est de l’organisation interne, la bonne tenue du dispositif nécessite de nommer une personne référente du budget participatif au sein de la structure.
Ce référent principal doit avoir un interlocuteur privilégié dans chaque direction. L’organisation de réunions régulières permettra aux agents impliqués de s’approprier le dispositif et de favoriser la transversalité entre les services.

Exemple : La commission citoyenne mixte de la Dordogne

Composée de 119 membres pour la première édition, la commission réunit un peu plus d’une centaine d’habitants volontaires et une dizaine d’élus représentatifs de l’assemblée délibérante. Elle a pour rôle de participer à la validation des projets soumis au vote et veiller au bon déroulement de la campagne. De plus, quatre membres citoyens tirés au sort participent au dépouillement et valident les résultats du vote. Cette commission n’est pas
seulement consultative, elle possède un pouvoir d’arbitrage.

Rédiger le règlement de la démarche

Les modalités de cadrage choisies sont le socle du règlement du budget participatif. Le règlement structure le processus et guide son déroulement. Les règles doivent
être claires, accessibles et complètes, afin de garantir la transparence de cette démarche participative.

Les éléments-clés d’un règlement sont :

  • Les objectifs du dispositif ;
  • Le budget alloué ;
  • Le périmètre du dispositif ;
  • Le mode de gouvernance ;
  • Les étapes du dispositif, précisant les modalités de participation (qui, comment, où…) ;
  • Les conditions de recevabilité des idées (critère d’évaluation, budget maximum…) ;
  • Les modalités de désignation des lauréats ;
  • Les modalités de réalisation ;
  • Les modalités d’évaluation du dispositif.

Certaines collectivités font le choix de co-construire leur règlement avec les citoyens. Cette méthode favorise l’appropriation du dispositif par tous les acteurs
dès sa conception. Ceci affirme également la volonté de les associer à la gestion de l’argent public. Leur implication lors de la construction du règlement, à l’instar d’une commission citoyenne, permet d’amplifier la dimension délibérative du dispositif.

Exemple : Une co-construction décentralisée pour le Gers

Pour sa deuxième édition, le Département du Gers a organisé deux soirées ouvertes à tous les citoyens pour co-construire le règlement de son budget participatif. Ces réunions ont réuni près de 300 personnes chacune. Sous forme de table de travail, chaque groupe d’une dizaine de personnes devait réfléchir à une question du règlement. Au cours de ces soirées, les citoyens volontaires ont pu se faire connaître pour devenir membres de la commission
citoyenne du budget participatif. Cette commission a eu pour rôle d’arbitrer et valider les propositions et réflexions élaborées pendant les deux réunions.

 

Exemple : Une co-construction numérique et présentielle pour la Gironde

Le Département de la Gironde a fait le choix de discuter avec les Girondins de certains aspects du règlement. Dans un premier temps, un questionnaire en ligne a été diffusé via leurs différents moyens de communication (site internet, mails…). Cette méthode a été accompagnée d’une médiation sur le terrain par deux personnes en service civique entre novembre 2019 et janvier 2020. Dans un second temps, deux rencontres citoyennes, les 15 et 16 janvier, ont permis de finaliser le règlement du budget participatif.

2/ Organiser l’appel à idées

Deuxièmement, cette phase consiste à récolter les idées des citoyens pour leur territoire. Elle va déterminer les autres phases du budget participatif et doit être la plus inclusive possible.

Lors de cette phase, il faut veiller à :

  • Toucher une population la plus hétérogène possible ;
  • Inciter les participants à déposer des idées conformes aux critères de recevabilité inscrits dans le règlement ;
  • Anticiper la dimension contentieuse de certaines idées dès la phase d’amont.

Cette phase implique de s’intéresser à plusieurs éléments méthodologiques.

La durée

Cette durée oscille entre 1 et 2 mois. Elle doit être suffisamment étendue pour permettre une mobilisation des habitants.

La quantité d’information demandées au dépôt d’idées

Demander peu d’informations facilite le dépôt d’idée et augmente l’accès à la participation.

A contrario, plus le nombre d’informations demandées au dépôt augmente, plus les freins à la participation sont importants. En revanche, lors de la phase d’instruction, le travail des services sera facilité car ils auront une appréciation plus détaillée de l’idée.

Limiter le dépôt d’idées

Il est possible de restreindre la participation lors de cette phase en :

  •  Limitant la participation des lauréats des éditions précédentes. Cette option permet de limiter la “professionnalisation” des participants et renforcer l’équité du dispositif en ne permettant pas à des porteurs de projets d’être lauréats de deux éditions consécutives.
  • Limitant le nombre de dépôt par personne (ex : 1 idée par personne) Contraindre les participants à ne déposer qu’une idée maximum par personne permet d’assurer une opportunité égale aux participants de voir leur idée réalisée. Ceci les incite également à mûrir leur idée avant de la déposer.

Exemple : Distinguer porteurs de projet et votants à Lanester (56)

La ville de Lanester distingue les personnes qui peuvent proposer des idées (tout individu ayant un intérêt pour la commune : habitant ou usager) des votants (qui doivent être des résidents de la Ville pour participer au vote final). Ainsi les idées peuvent être déposées par un large panel de personnes mais seuls les citoyens de la commune peuvent sélectionner les projets qui seront réalisés parmi les 10 projets finalistes.

Les formats de dépôt d’idées

Autant que faire se peut, varier les formats de dépôt d’idées permet de faciliter l’accès au dispositif et d’augmenter la participation.

  • Des dépôts physiques par bulletins papier
    • Des urnes dans des lieux publics (mairie, maisons de quartiers…) qui restent sur place durant toute la durée de la phase de dépôt.
    • Des urnes mobiles pour aller vers les habitants sur tout le territoire et favoriser la participation en améliorant l’accès au budget participatif.
  • Via une plateforme numérique
    • Dématérialiser le dépôt d’idées.
    • Faciliter le dépôt : abaisser les barrières spatio-temporelles.
    • Retranscrire les idées papier sur la plateforme numérique pour centraliser les informations.
  • Il faut penser également à accompagner ces formats de participation par des dispositifs de médiation numérique pour pallier les inégalités (d’équipement, sociales, d’illectronisme…)

Exemple : La caravane du budget participatif en Dordogne
Inspirée du Gers, une caravane du budget participatif sillonne la Dordogne. Le Département va à la rencontre de ses habitants et promeut son dispositif. Utilisée pour informer la population, la caravane est un moyen efficace pour être présent et reconnu sur tout le territoire. Elle interpelle les citoyens et permet d’engager une discussion autour du budget participatif pour les impliquer. Réel outil de mobilisation, elle est un lieu d’appropriation du budget participatif pour les citoyens, porteurs de projet et agents de la collectivité.

Exemple : Favoriser le dépôt de projets collectifs à Lanester (56)
La commune de Lanester met en place des ateliers de construction de projets pour ses citoyens. Chaque quartier de la ville accueille au minimum un atelier. Durant ces réunions, les participants sont amenés à réfléchir collectivement à des projets pour les soumettre au budget participatif. L’animation est assurée par les agents en charge de la démarche. Ils ont pour rôle de présenter le budget participatif et de s’assurer que les projets discutés en groupes répondent aux règles fixées par la charte. Ces événements permettent de stimuler le dépôt de projets et d’en garantir la qualité. Enfin, la ville a observé que ces réunions permettent de constituer et consolider des collectifs autour de projets communs à l’échelle des quartiers, voire inter-quartiers.

Exemple : Les ateliers de concertation d’Aytré (17)
Lors des ateliers de concertation d’Aytré, les agents en charge du budget participatif, accompagnés de techniciens, présentent le dispositif dans les maisons de quartier. Après un temps de questions/réponses, la Ville accompagne les futurs porteurs de projets pour les aider à structurer leurs idées et notamment à estimer les coûts. Pour cela, les participants sont répartis autour de tables en essayant d’associer les personnes néophytes et les personnes ressources. Cette étape préliminaire au dépôt des projets favorise les échanges entre les citoyens et l’émergence de projets aboutis.

 

La publication des idées proposées

La population doit être en mesure de prendre connaissance des idées déposées. Au cours de cette phase, une plateforme numérique est un outil à privilégier afin de :

  • Publier instantanément (ou après modération) les idées proposées ;
  • Mettre en exergue les consensus et dissensus que peuvent provoquer certaines idées déposées en ouvrant un espace de “commentaires” qui permettra des échanges entre les citoyens.

Point de vigilance : les idées du budget participatif ne seront pas toujours reçues favorablement par la population. Ouvrir le débat dès la phase de dépôt peut conduire à modifier certains aspects problématiques des idées.

3/ Instruire les idées

Il existe deux niveaux d’instruction des idées : la recevabilité et la faisabilité. Simultanées ou non, ces deux instructions prennent entre 2 et 5 mois.

Ce sont des temps de forte mobilisation des services. Cette phase doit être la plus transparente possible sous peine d’être considérée comme une boîte noire pour les citoyens et de discréditer le dispositif. L’instruction a pour but de déterminer les projets qui seront soumis au vote.

Idées ou projets ?

Il existe deux moyens d’utiliser ces terminologies. Certaines collectivités ne font pas de distinction entre une idée et un projet. Les deux mots sont utilisés comme des synonymes. Pour d’autres, une idée est ce qui est soumis par un citoyen, tandis qu’un projet est le résultat de l’instruction et ce qui sera soumis au vote. Dans cette seconde configuration, une idée évolue en projet. C’est cette articulation entre idée et projet qui est utilisée dans le document.

Etude de la recevabilité

Ce temps consiste à déterminer si les idées correspondent au cadrage indiqué dans le règlement (compétences de la collectivité, relevant
de l’intérêt général…). La recevabilité est généralement vérifiée en amont d’une phase de présélection ou de regroupement des idées.

Il existe plusieurs méthodologies pour définir la recevabilité :

  • Étude en interne : elle est menée par le service porteur du budget participatif, mais doit aussi faire appel à d’autres services, notamment ceux qui seraient impliqués dans la future réalisation.
  • Étude partagée avec les citoyens : certaines collectivités s’appuient sur leur commission citoyenne ou mixte pour évaluer la recevabilité. Les citoyens doivent pour cela avoir les moyens, matériels et temporels, de faire l’analyse. Si différents services ou groupes sont amenés à appliquer les critères d’éligibilité,
    il est nécessaire de porter attention à une application uniforme de ces derniers.

Exemple : L’étude de la recevabilité des idées par la commission citoyenne de l’Hérault
La commission citoyenne mise en place par le Département de l’Hérault a pour rôle d’étudier les idées au regard des critères de recevabilité. Pour cela, les membres ont travaillé en ligne à l’aide de votes et commentaires sur les idées. Des séances plénières ont permis d’acter et de réviser les décisions prises en ligne. Pour aider la commission citoyenne, le Département a doté chaque membre d’un jeu de cartes reprenant un à un les critères de recevabilité. Cette méthode de travail originale permet de partager l’instruction entre agents et citoyens, tout en améliorant la transparence du dispositif.

Présélection des idées

Certaines villes choisissent de faire une présélection des idées recevables pour alléger la charge de travail des services et améliorer la qualité de l’instruction.
Cette étape intermédiaire s’organise comme un véritable vote avant le vote pour désigner les projets qui seront en lice pendant la campagne des porteurs.

Exemple : Le Forum des projets de Lanester (56)

Durant la phase de dépôt, les projets dont la recevabilité est approuvée par le service Vie citoyenne sont déposés sur la plateforme numérique, sur laquelle les habitants peuvent voter en faveur de chaque projet. Dans un second temps est organisé le forum des projets, cet événement est ouvert à tous (habitants et usagers). Les porteurs de projets viennent successivement défendre leur idée devant l’assemblée, dont chaque membre désignera 4 projets par vote préférentiel. À la fin de cette journée, les votes numériques et présentiels sont comptabilisés en direct et les 10 projets ayant réuni le plus de voix deviennent les finalistes de l’édition en cours. À noter que les votes présentiels ont une valeur supérieure aux votes numériques durant cette phase.

 

Exemple : Le forum des idées de Grenoble (38)

Présenté comme une agora citoyenne, cette journée a pour objectif de désigner 30 idées qui seront soumises à l’instruction. Un stand est offert à chaque porteur d’idée réuni par thématique dans des show rooms. Les habitants présents peuvent visiter chaque stand et échanger librement avec les porteurs.
À l’issue de leur visite, les habitants désignent 6 idées qui ont leur préférence. À la fin de l’événement, les résultats sont comptabilisés et les 30 idées recueillant le plus de suffrages passent à l’instruction.

Étude de la faisabilité

Cette phase consiste à déterminer si les projets sont légaux, faisables techniquement et estimer leur coût. Ce travail est réalisé en interne par les services de la collectivité. Généralement, les techniciens doivent pour chaque projet :

  • Comprendre le besoin. Cela implique parfois des déplacements in situ et des rencontres avec les porteurs de projets ;
  • Faire une étude de contexte (repérer les contraintes, vérifier que le projet n’est pas déjà porté par la collectivité…) ;
  • Contacter les partenaires, si besoin, afin de connaître leur position sur le projet ;
  • Chiffrer le projet.

Cette phase d’instruction peut être chronophage. L’une des clés de la réussite est l’anticipation de la charge de travail pour les services. Les méthodes de travail en interne doivent faciliter une collaboration entre les services, afin de garantir la transversalité. Les moyens humains attribués au dispositif jouent un rôle décisif dans cette phase.

Différents éléments vont déterminer la charge de travail des services :

  • Le nombre d’idées à étudier
    S’il est compliqué de quantifier en amont le nombre d’idées qui seront proposées par les citoyens, des collectivités font le choix de mettre en place un temps de
    présélection. En regroupant, fusionnant ou limitant le nombre de projets pouvant accéder à la phase de faisabilité, ce moment a l’avantage de réduire la quantité d’idées à instruire par les services.
  • La relation aux porteurs d’idées
    Durant cette phase, certaines collectivités font le choix de rencontrer les porteurs d’idées. Cette démarche peut être mise en place dans le but de comprendre au
    mieux l’idée soumise. Elle peut conduire à affiner et modifier l’idée avec son auteur en fonction des contraintes identifiées et de l’expertise des techniciens.

Exemple : Une équipe basée sur le volontariat, pilotée par le cabinet en Dordogne
Le budget participatif du Département de la Dordogne est piloté par le cabinet du Président. L’équipe du budget participatif est composée d’agents volontaires. Toutes les directions du Département sont représentées. Ce fonctionnement permet aux agents de participer à une démarche sortant du cadre de leurs missions habituelles. Selon le Département de la Dordogne, cette structuration apporte du dynamisme et valorise le travail des agents volontaires.

Exemple : Rencontrer les porteurs de projets pour mieux comprendre le besoin à Montreuil (93)
Le budget participatif de Montreuil est piloté par la direction Citoyenneté, en collaboration avec la direction des Espaces publics et de l’Environnement. La recevabilité est étudiée en amont par une étape de présélection, dite “Agoras citoyennes”. Durant la phase d’étude de la faisabilité, les porteurs de projet sont contactés pour clarifier les propositions aux services instructeurs. Cela permet de s’assurer que les idées proposées répondent aux besoins du projet soumis. Les modifications nécessaires ou l’infaisabilité sont donc partagées.

Que faire des idées non-soumises au vote ?

En cas de refus, les participants doivent comprendre pourquoi leur idée n’est pas soumise au vote.
Il faut détailler le plus possible ces motifs. Pour garantir la transparence du processus, il est recommandé de publier les motifs de non-recevabilité des idées : coût trop élevé, idée profitant à des intérêts privés, idée induisant des dépenses de fonctionnement, etc.

Que deviennent les idées ne relevant pas des compétences de la collectivité ?

Pour finir, certaines collectivités font le choix de transmettre les idées aux collectivités ou institutions concernées. Par exemple, le Département du Gers oriente les idées non transformées vers des dispositifs plus adaptés.

4/ Articuler la campagne et le vote des projets

Pour introduire cette phase du budget participatif, il faut savoir qu’elle comprend deux éléments concomitants : la campagne menée par les porteurs de projets et le vote.

La réussite de cette phase s’appuie sur l’implication des porteurs de projets. Ils doivent être moteurs de cette campagne, en plus de la communication institutionnelle, pour faire de leurs projets les lauréats de l’édition en cours. Cet investissement crée une véritable émulation citoyenne qui va contribuer à favoriser la participation. Lors de cette phase, les éléments à prendre en considération sont les suivants.

La publication des projets

Les services en charge du budget participatif vont amorcer cette phase en publiant les projets validés lors de la phase d’instruction. Cette phase est primordiale pour permettre aux participants de prendre connaissance des projets soumis au vote et des modalités de vote.

Les visuels et les noms de l’ensemble des projets doivent être disponibles partout où il sera possible de voter :

  • Sur la plateforme numérique qui permet de voter directement après avoir pris connaissance des projets.
  • À proximité des urnes de vote physique grâce à un catalogue qui recense l’ensemble des projets soumis au vote.

Les moyens de vote et l’authentification des votants

Les moyens de votes peuvent se compléter. En France, on repère communément :

  • Le vote sur internet via une plateforme numérique ;
  • Le vote physique : avec des urnes dans des lieux fixes ou des dispositifs ambulants.

Point de vigilance :

Il est primordial d’authentifier les votants afin que ces derniers ne puissent pas voter plusieurs fois. Cette identification doit être nominative pour repérer des participants qui voteraient sur internet ET de manière physique. Ceci aurait pour conséquence de biaiser le vote en ne respectant pas le principe d’unicité.

Les modes de scrutin

Comme pour tout vote, le mode de scrutin du budget participatif est un choix fondamental. Les résultats du vote pourront varier en fonction de la méthode choisie.

  • Le vote unique : d’un côté, il permet de faciliter le vote, de l’autre il n’incite pas les participants à s’intéresser à l’ensemble des projets.
  • Le vote multiple : il impose aux votants de voter pour plusieurs projets (ex : sélection de 3 projets ou sélection de 3 à 5 projets).
  • Le vote préférentiel : cette méthode implique de voter pour plusieurs projets de manière ordonnée en leur attribuant différentes valeurs calculées de façon dégressive (ex : le premier choix vaut 5 points, le deuxième vaut 4 points, etc.).
  • Le vote par répartition d’une enveloppe : cette méthode consiste à demander aux votants d’utiliser l’enveloppe globale du budget participatif jusqu’à son épuisement entre leurs projets favoris.
  • Le vote par note : il nécessite d’attribuer une note à chaque projet pour les départager.
  • Le vote pondéré : ce mode de scrutin consiste à attribuer une enveloppe de points que les votants répartissent entre les différents projets.
  • Le vote democracy 2.1. : les votants disposent de deux points positifs et d’un point négatif à attribuer.
  • Le vote par approbation : les votants s’expriment pour ou contre les projets proposés.

Les contraintes de vote

Le vote d’un budget participatif peut comprendre des contraintes qui obligent le votant à sélectionner un ou plusieurs projets d’un secteur géographique ou d’une catégorie spécifique. Ces restrictions sont généralement créées pour être en accord avec des règles indiquées dans le règlement de la démarche. Mais attention, ces contraintes complexifient le processus de vote. Il ne faut pas en abuser, sous peine de freiner la participation.

Voici des exemples non exhaustifs de contraintes existantes :

  • Contraindre le votant à sélectionner des projets issus de secteurs géographiques différents (quartiers, cantons, territoires…). Ou au contraire, le contraindre à voter pour des projets d’un même secteur ;
  • Contraindre le votant à sélectionner au moins un projet d’une catégorie spécifique (“Projet jeune” par exemple) ;
  • Contraindre le votant à sélectionner un projet de la catégorie “projet supérieur à 20 000 €”, puis un second projet de la catégorie “projet inférieur à 20 000 €”.

Et après que fait-on des projets non réalisés ?

Nous vous recommandons d’en faire une base de données. Les projets déposés constituent un diagnostic du territoire, notamment quand ces derniers reviennent régulièrement au fil des éditions. Ces projets peuvent alimenter les politiques publiques de la collectivité, hors du cadre du budget participatif, si l’exécutif souhaite s’en saisir.

Le dépouillement des votes

Le dépouillement intervient à l’issue de la phase de vote. Il permet de comptabiliser les votes des citoyens et de désigner les projets lauréats. À l’image de l’instruction, le dépouillement des votes est un temps de forte mobilisation des services.

Le dépouillement est généralement organisé en plusieurs étapes :
1. Clôturer les votes papier et numérique.
2. Rassembler les urnes réparties sur le territoire.
3. Dépouiller les bulletins de vote papier. Lors de cette étape, différentes modalités d’organisation sont possibles.

  • Dépouiller au fur et à mesure les bulletins papier. Dans ce cas, les personnes
    chargées du dépouillement récupèrent régulièrement les bulletins déposés
    dans les urnes.
  • Organiser une journée de dépouillement.

4. Additionner les résultats du vote papier à ceux du vote numérique et vérifier d’éventuels doublons de votants.
5. Désigner les lauréats en fonction des critères inscrits dans le règlement.
6. Publier les résultats des votes et annoncer les projets lauréats. Cette annonce peut faire l’objet d’une cérémonie publique. Elle permet de remercier les porteurs
de projets et les agents pour leur participation. L’étape de dépouillement peut également être participative et non pas effectuée seulement par les services. En effet, plusieurs structures ont fait le choix d’impliquer les citoyens à cette occasion. Cette pratique permet de garantir la transparence du scrutin.

Voici quelques configurations possibles :

  • Le dépouillement est effectué par les services. Les résultats sont ensuite entérinés par une instance citoyenne ad hoc ou préalablement constituée.
  • Le dépouillement est réalisé par des citoyens volontaires, des élus et les services.
  • Le dépouillement est accompli par l’instance citoyenne du budget participatif, type commission citoyenne, épaulée par des élus et des agents.

Point de vigilance : La procédure de désignation des projets lauréats doit être anticipée lors de l’écriture du règlement du budget participatif. Certains cas particuliers, comme des projets au même nombre de voix ou le devenir du projet conduisant à la saturation de l’enveloppe, sont à arbitrer dès la structuration du budget participatif.

5/ Réaliser les projets

Phase importante et attendue par les porteurs, les projets lauréats vont être réalisés. Ils pourront devenir concrets à partir du moment où l’assemblée délibérante valide les résultats du budget participatif.

Deux principales questions se posent autour de la réalisation.

  • L’implication des citoyens : la réalisation doit-elle être seulement du ressort de la collectivité ?
    Elle peut être partagée ou non, avec les porteurs de projets, en associant les instances citoyennes déjà présentes sur le territoire ou en ouvrant à toute personne souhaitant être associée. L’association des porteurs de projet au cours de la réalisation est conseillée, afin qu’ils ne se sentent pas dépossédés de leur projet. À noter que si la collectivité demande une forte implication aux porteurs de projets, ceci pourra être un frein à la participation de certains citoyens. Il est également possible d’adapter le degré d’implication à chaque porteur de projet, afin que cette phase ne dissuade pas la participation.

 

  • La méthode de réalisation des projets : les projets lauréats, financés par l’enveloppe du budget participatif, sont réalisés par la collectivité. Mais ce fonctionnement n’est pas systématique. Les conseils départementaux réalisent la plupart des projets en attribuant une subvention aux porteurs de projet ou réalisent un partenariat avec la commune sur laquelle est implanté le projet. Ce partenariat induit un partage légal du financement d’au moins 20 % pour la commune et demande une forte ingénierie de projet. La mise en œuvre des projets peut être réalisée par des agents ou bien par des prestataires, ou bien faire l’objet d’une participation élargie, via des chantiers participatifs par exemple.

Suivre la réalisation des projets

Rendre accessible au public le suivi des étapes de réalisation des projets est un élément-clé de la transparence du processus. Le numérique facilite l’accès à l’information au plus grand nombre et de manière évolutive.

Les principales informations nécessaires au suivi sont :
Le projet et son histoire : une présentation décrivant le projet, le budget attribué, l’année de la votation, le nombre de votes obtenus. Ces informations sont essentielles pour qu’une personne n’ayant pas participé puisse comprendre l’histoire : de l’idée d’origine au projet réalisé.
• Les étapes de réalisation : une manière plus ou moins détaillée, renseigner publiquement les différentes étapes d’avancement du projet permet de donner de l’information régulière sur le projet.

Exemple : La contestation d’un poulailler à Grenoble (38)
Certains projets lauréats font face à une contestation lors de leur mise en œuvre. Ce fut le cas pour un projet de poulailler à Grenoble. Une concertation a été réalisée, afin de définir les conditions de mise en oeuvre du projet, sa localisation… Cette démarche a permis de réaliser le projet en prenant en compte l’avis des différentes parties impactées.

Avez-vous pensé à ouvrir les données du budget participatif en open data ?

Point de vigilance : Le budget participatif fait l’objet de critiques récurrentes comme l’opacité des dépenses effectives et le manque de transparence dans l’attribution des marchés durant la phase de réalisation.

6/ Évaluer la démarche

Évaluer son budget participatif permet d’adapter le dispositif et d’en comprendre les usages. Déterminant pour la suite, deux questions sont essentielles pour poser le cadre de l’évaluation.

  • Quel est le but de l’évaluation ?
    L’évaluation répond à des interrogations soulevées par le dispositif. Ces questions doivent aboutir à des évolutions concrètes de la démarche. L’évaluation doit avoir un intérêt pour la collectivité et le dispositif. Cela passe notamment par la production d’un document critique mais constructif, relevant les limites du dispositif et ses atouts.
  • À qui est destinée l’évaluation ?
    L’évaluation peut avoir plusieurs vertus et concerner les différentes parties prenantes du dispositif. Elle peut être à destination de l’équipe municipale ou bien des citoyens, déjà impliqués dans le dispositif, ou pas. Déterminer le public destinataire de l’étude permettra de choisir des critères pertinents. Certains critères seront plus ou moins adaptés selon les personnes impliquées dans l’évaluation. Le choix des critères et la démarche d’évaluation sont déterminants sur la manière dont l’évaluation sera conduite. Anticipés en amont de la démarche, ces questionnements permettent de déterminer les données nécessaires à récolter et à analyser.

Pour une évaluation la plus complète possible, il est recommandé d’associer tous les acteurs. Croiser les points de vue entre élus, citoyens et services permet d’avoir une vision globale du dispositif. Cette analyse peut reposer sur des données quantitatives et qualitatives. Une fois réalisée, une publication large des résultats permet une meilleure appropriation des enjeux liés au dispositif.

Évaluer le budget participatif à Rennes (35)
La ville de Rennes réalise un questionnaire destiné aux citoyens à l’issu du budget participatif. Les répondants doivent évaluer chaque phase et peuvent proposer des améliorations. Les services de la ville sont également interrogés par questionnaire. Cette évaluation est complétée par des rencontres et temps d’évaluation avec les Présidents des Conseils de quartier. Ces données sont par la suite analysées. Les résultats sont présentés par les services et Présidents des Conseils de quartier lors du Comité de suivi. Ce dernier, composée d’élus et habitants, dégage des constats communs et propose des améliorations pour l’édition suivante.

Sources à l’origine de l’article « Les phases du budget participatif » :

– Observations de l’équipe d’iD City à retrouver en intégralité dans le Guide pratique du budget participatif en ligne ou au format PDF;

-Antoine Bézard, Fondation Jean Jaurès, « Budgets participatifs : donner du sens à la participation des citoyens » [en ligne]. (page consultée le 16/03/2020)

– Gilles Pradeau. « Les méthodes de vote » [en ligne]. (page consultée le 16/03/2020)

Les principes du budget participatif

Les principes du budget participatif : “Vous décidez, nous réalisons”

Cette phrase est emblématique du budget participatif et recouvre par ailleurs un plus large éventail de principes du budget participatif.

Voici l’ensemble de ces principes clés :

  • Un domaine d’action délimité par les compétences de la collectivité
  • Une délégation de pouvoir : attribuer un pouvoir décisionnel aux citoyens
  • La transparence : des informations accessibles à l’ensemble de la population
  • L’intérêt général relevé par l’expertise d’usage
  • Un budget alloué
  • Un dispositif souple, adaptable au territoire
  • Une priorisation des projets par le vote
  • La délibération : créer de nouvelles opportunités de dialogue entre les citoyens
  • L’inclusion : diversifier les profils des participants (catégories sociales, tranches d’âge, résidents étrangers, etc)
  • Un dispositif cyclique : le budget participatif est renouvelé tous les ans ou tous les deux ans.

les principes du budget participatif

 

Ces principes du budget participatif ont été construits à partir :
– d’observations de l’équipe d’iD City à retrouver en intégralité dans le Guide pratique du budget participatif en ligne ou au format PDF;
– de l’ouvrage de Yves Sintomer, Anja Röcke et Carsten Herzberg, “Participatory Budgeting in Europe: Democracy and Public Governance“, Abingdon, Routledge, 2016 ;
– les articles du site budgetparticipatif.info tenu par Gilles Pradeau, doctorant à l’Université de Westminster.

Les origines du budget participatif

Lorsque l’on retrace l’historique des premières initiatives de budgets participatifs ou même de démocratie locale, l’exemple de Porto Alegre est souvent le premier à être cité. Pour mieux comprendre les raisons de la mise en place du premier budget participatif au monde et donc les origines du budget participatif, il est nécessaire de bien resituer le contexte historique et politique du Brésil dans les années 1980.

En 1985, la dictature militaire prend fin au Brésil après 21 années pendant lesquelles corruption et clientélisme sont devenus monnaie courante. Le pays se reconstruit progressivement en rédigeant notamment une nouvelle constitution dans laquelle est inscrit pour la première fois, le concept d’exercice direct de la souveraineté du peuple.
Olivio Dultra, du Parti des travailleurs, est élu en 1988 à la municipalité de Porto Alegre, capital de la province du Rio Grande do Sul et ville de plus d’un million trois cent mille habitants. Il est animé par une forte volonté d’amélioration de la vie quotidienne des plus pauvres et de rendre un pouvoir décisionnel aux citoyens. La première expérience de budget participatif apparaît en 1989.

Un succès progressif

La ville a été divisée en secteurs régionaux et thématiques pour permettre une participation populaire, universelle et direct. L’organisation du budget participatif est composée de plusieurs strates.
Le premier niveau de réflexion est animé par des associations thématiques ou bien, le plus souvent, par des associations d’habitants. Ces associations sont composées, en grande partie, d’habitants issus de catégories sociales moyennes et pauvres. Au cours des réunions, les problèmes spécifiques du quartier sont évoqués et les priorités sont définies.

Le deuxième stade est celui des assemblées plénières, pendant lesquelles toute personne intéressée peut participer. Lors de ces assemblées, des délégués du budget participatif sont élus. Ces derniers éliront à leur tour des conseillers du budget participatif qui prendront part au Conseil du budget participatif.
L’organisation et la mise en place du budget participatif ont été amené à évoluer au fil des années. Sont par exemple apparus en 1994, des assemblées thématiques au nombre de six. Elles avaient pour but d’aborder des thèmes qui n’étaient pas spontanément présentés par les associations de quartier et qui n’impliquent donc pas certaines parties de la population (les jeunes, les professionnels de la santé, les acteurs économiques etc.)

Bien que le succès soit timide les premières années ( 780 participants la première année), l’amélioration progressive du système mis en place et la persévérance de la municipalité ont permis d’atteindre la participation de plus de 18 500 personnes en 2001.

De multiples impacts

L’initiative a eu un impact positif sur toutes les parties prenantes de la ville à différents niveaux. Pour les élus, un nouveau lien à été créé avec les citoyens. Le budget participatif a permis de mieux appréhender les besoins et les souhaits de la population. Pour les techniciens, le recueil d’information est optimisé. Pour les citoyens, c’est le moyen de découvrir le fonctionnement de la collectivité, ainsi que les contraintes qui lui sont propres. Le budget participatif incite à la mobilisation et à la responsabilisation des citoyens. Il permet une plus grande transparence dans la gestion des budgets municipaux et un contrôle dans l’application des décisions. De plus, ce sont majoritairement les personnes les plus défavorisées qui se sont mobilisées. Elles ont donc été les premières à bénéficier des mesures adoptées. Le budget participatif s’avère donc être un dispositif inclusif des populations exclues de la politique traditionnelle.

La dimension politique est indéniable dans la mise en place du budget participatif. Bien sûr, le contexte historique y est pour beaucoup. De ce fait, le projet ayant débuté en 1989 après l’élection du candidat du Parti des Travailleurs en 1988, il a été reconduit d’année en année avec toujours plus de succès et de participation.
Ceci étant, le Parti des Travailleurs subit un échec électoral en 2004. L’usure du pouvoir, une certaine insatisfaction de la classe moyenne et la promesse de maintien du budget participatif par l’opposition expliquent, en partie, cette défaite. Le budget participatif fut maintenu, mais intégré à un nouveau processus : la gouvernance solidaire locale. Mais cette nouveauté ne se montre pas aussi efficace. La distance entre les citoyens et leur pouvoir décisionnel se creuse.

Quel est l’héritage de Porto Alegre aujourd’hui ?

Bien que le budget participatif de Porto Alegre ait progressivement perdu de son influence, de nombreuses municipalités brésiliennes se sont inspirées de cette initiative. De nouveaux budgets participatifs ont commencé à émerger. Les Forums Sociaux Mondiaux (2001, 2003, 2004) à Porto Alegre ont d’ailleurs contribué à la diffusion du modèle à travers le monde. En France, les premiers budgets participatifs apparaissent dès le début des années 2000. Comme à Porto Alegre, les premières initiatives françaises sont basées sur un registre idéologique, dont la perspective est la justice sociale.
Au fil des années, les budgets participatifs se sont inscrits dans une nouvelle logique. De nos jours, les initiatives existantes en France visent à booster la participation citoyenne. Sa dimension de justice sociale est moins présente mais certaines communes favorisent spécifiquement les quartiers les moins favorisés, à l’image de Porto Alegre.
Bien que pionnière, l’initiative brésilienne n’est pas tout à fait réplicable pour les communes qui désirent s’engager dans ce type de démarche de participation citoyenne. En revanche, elle marquera pour toujours les prémices et origines du budget participatif.

Néanmoins, les expériences françaises de budgets participatifs se multiplient et rencontrent du succès. En guise d’exemple chiffré, l’édition 2017 du budget participatif de Lanester c’est : 14% des habitants inscrits sur la plateforme, 93 projets déposés, 6 000 avis citoyens et 1540 participants à la phase de vote. Un succès qui sera accompagné d’autres !

 

*Guide pratique du budget participatif à retrouver en intégralité en ligne ou au format PDF

Le point sur : Budget Participatif et outils numériques

 

De 7 Budgets Participatifs en 2014, la France en comptait 170 en 2020 ( ➡️ source).

Peut-on en déduire que les démarches participatives ont le vent en poupe ces dernières années ? Certainement. De là à imaginer jusqu’à une systématisation de ces démarches dans les années à venir ? Pourquoi pas. Encore faut-il savoir les utiliser !

Les dispositifs participatifs ne sont ni plus ni moins que des outils en constante évolution. Afin de recueillir un certain nombre de bonnes pratiques, nous avons interrogé quelques-uns de nos partenaires sur leurs expériences passées. Depuis les démarches menées jusqu’aux apports et limites du numérique dans le bon déroulement du dispositif, voici leurs points de vues et recommandations.

Définir le point de départ

Avant toute chose, nous avons cherché à savoir quels étaient les objectifs initiaux de leurs démarches. En effet, s’engager dans de la démocratie participative demande du temps, des moyens, de l’organisation. Cela suppose aussi qu’une collectivité se déleste d’une partie de son pouvoir de décision au profit des citoyens. À cette question, nos interlocuteurs ont été unanimes sur un point. Il s’agissait surtout de rapprocher voire de reconnecter les citoyens à l’Institution, en les rendant acteurs de la politique publique. 

Pour Laurence Allefresde (Ardèche), cela peut aller jusqu’à devenir “un levier de mobilisation des jeunes”, les aidant par la même occasion à “être des citoyens éclairés et conscients du fonctionnement des collectivités et du quotidien des élus”. Cette ambition a notamment motivé la création d’un Budget Participatif Jeunesse à l’échelle du département, en adéquation avec le projet AJIR – Ardèche, Jeunesse, Innovation, Ruralité.

Motiver les troupes

La question de l’implication et de la mobilisation des citoyens aux démarches participatives cristallise beaucoup d’inquiétudes chez les collectivités organisatrices. En d’autres termes, comment faire en sorte que les citoyens prennent part aux dispositifs mis en place ? 

Ici encore, certaines réponses reviennent à plusieurs reprises avec deux pôles bien distincts et complémentaires. D’abord l’appel à des outils de communication dits “classiques”. Affiches et flyers, spots radio, encarts publicitaires dans de la presse locale, rencontres sur les points de rassemblement comme le marché ou les événements sportifs, etc. Certains acteurs créatifs sont allés jusqu’à réaliser des capsules vidéos, aussi bien pratiques qu’incitatives, comme dans le département des Landes. A cela s’ajoutent des réunions publiques, avec une trentaine tenues dans le Lot et Garonne. Ces réunions permettent aux citoyens de rester au plus près de l’information et d’avoir des réponses à leurs interrogations.

Les solutions numériques n’ont pas été laissées de côté. Les collectivités ont fait la promotion de leurs démarches via des publications sur les réseaux sociaux et des actualités sur leurs plateformes.

Finalement, un maître mot : la communication ! Si vous souhaitez des conseils pour bien communiquer pendant vos démarches, nous vous invitons à consulter nos Guide Pratique du Budget Participatif (en consultation et en téléchargement sur notre site).

La démocratie 2.0

En parlant du numérique, nous nous sommes également penchés sur l’apport du numérique dans le domaine de la démocratie participative. Deux grandes tendances se sont dessinées dans les témoignages. 

D’abord, il est indéniable que le numérique permet d’aller toucher un plus grand nombre d’acteurs, notamment chez des publics jeunes, en offrant “un accès direct à l’information” (Dany Dutey – Lot et Garonne), une centralisation des démarches (département du Gers), ainsi qu’une facilité de traitement des données (Jean-Christophe Labails – Dordogne). Cela a d’autant plus été accentué par un contexte sanitaire rendant difficile voire impossible des rencontres en présentiel. 

Malgré tout, tous s’entendent sur les contraintes de démarches en “tout numérique”, dues à une fracture générationnelle qui pourrait exclure une frange de la population. Cela va des personnes âgées ne maîtrisant pas l’outil informatique aux “habitants des zones ne bénéficiant pas d’une bonne couverture réseau” (Laurence Allefresde – Ardèche). 

Finalement, il semblerait bien que la “meilleure” façon de fonctionner soit hybride. Le numérique vient en support de la démarche, il lui donne l’élan et la couverture nécessaire à son bon déroulement. Mais comme bien souvent, il ne vient pas remplacer et encore moins n’exclut des rencontres in-situ.

Et concrètement ?

Une fois les bases organisationnelles posées, nous avons interrogé nos partenaires sur ce qu’ils avaient accompli grâce à leurs dispositifs participatifs. Un peu de concret !

D’abord, les Budgets Participatifs des départements du Lot et Garonne, des Landes, de la Dordogne, du Gers et de l’Ardèche. Alors que certains travaillent sur le lancement d’un troisième Budget Participatif très prochainement (Dordogne), d’autres en sont à l’analyse des résultats. Dans le Lot et Garonne, Dany Dutey évoque 629 idées déposées, 406 soumises au vote et 36 lauréats pour une enveloppe d’1 million d’euros. Éclectiques et inspirés, ces projets devraient voir le jour prochainement ! Du côté de l’Ardèche, la première édition du Budget Participatif a donné naissance à 14 projets lauréats. Ces projets vont d’un studio-radio itinérant, à la création d’une maison d’assistantes maternelles en passant par l’ouverture d’une recyclerie autour du vélo.

Cela sans compter les Landes qui, après une première édition fructueuse, reviennent pour un deuxième round ! Leur nouvelle enveloppe est d’1,5 millions d’euros, 10% sont réservés aux projets des jeunes de 7 à 20 ans. Enfin, dans le Gers, une nouvelle édition du Budget Participatif se prépare. Avec deux éditions réussies à leurs actifs, les pionniers de la démarche à l’échelle départementale commencent à être rôdés à l’exercice. Ils constituent actuellement une commission citoyenne pour l’organisation de cette nouvelle édition. 

Concernant les consultations, le Conseil Citoyen du Lot et Garonne a rendu un rapport sur 84 propositions pour la vie du département d’après COVID. Il planche actuellement sur un rapport concernant la défense et la promotion de la laïcité (Dany Dutey). Dans le Gers, deux enquêtes ont été menées, l’une sur l’agriculture de demain et le plan territorial d’alimentation et l’autre intitulée “Le bonheur est dans le Gers : le monde d’après, quel sera-t-il ?

L’heure du Bilan

Malgré un contexte sociétal compliqué depuis début 2020, les différentes personnes interrogées dressent un bilan positif de leurs démarches participatives. De l’avis des représentants des collectivités, il y a une “appétence des citoyens pour les démarches participatives” (Tiphaine Chatton – Les Landes). De plus, “la participation des citoyens a apporté une nouvelle vision des actions menées par le Département et a pu influer sur certaines politiques départementales” (Dany Dutey – Lot et Garonne). Dans le Gers, l’idée que cela permet de “valoriser l’action départementale et de casser des préjugés sur les décisions prises” est également partagée. 

Quelles perspectives pour l’avenir ? Dans la plupart des départements interrogés, de nouvelles démarches sont en préparation voire déjà en cours. Il semble, à la lecture des témoignages, que tous partagent l’envie de continuer à innover et à inclure les citoyens. De plus, les prochaines élections départementales pourraient redéfinir les enjeux. D’édition en édition, les dispositifs ne cessent de gagner en précision. Ils s’enrichissent des retours des participants, mais également des premiers faux pas et connaissances pratiques que l’on ne peut acquérir que sur le terrain. Après tout, c’est en forgeant que l’on devient forgeron !

 

Pour bénéficier de conseils dans vos démarches, n’hésitez pas à entrer en contact avec l’équipe iD City. Devenir client iD City c’est entrer dans la communauté de nos partenaires, toujours pleine de bons conseils !  Vous pouvez également suivre nos actualités sur les réseaux sociaux ou en vous inscrivant à notre newsletter.

 

Personnes interrogées :

  • Dany Dutey

Cheffe du service Démocratie Participative – Département du Lot-et-Garonne

  •  Tiphaine Chatton 

Responsable service Démocratie Participative et Innovation – Département des Landes

  • Département du Gers
  • Jean Christophe Labails

Conseiller technique au cabinet du Président du Département de la Dordogne

  • Laurence Allefresde

Vice présidente en charge de la jeunesse, de la vie associative et du devoir de mémoire au Département de l’Ardèche

 

Psst, suivez-nous sur les réseaux sociaux :

      

Budget participatif – Participer à une commission citoyenne

Il y a un an, le Département de la Dordogne lançait la première édition de son budget participatif. Avec 30 577 votants, cette première a été une réussite en terme de participation. Mais la méthode du budget participatif de la Dordogne s’est aussi distinguée par l’usage d’un outil qui vise à impliquer davantage les citoyens dans la démarche : la commission citoyenne. Nous avons présenté il y a quelques mois le fonctionnement de la commission citoyenne du budget participatif de la Dordogne grâce à un échange avec Jean-Christophe Labails, conseiller technique au cabinet du Président du Département, Germinal PEIRO. 

Afin de compléter cette présentation, nous avons échangé avec Nadine, Francis et Claude, tous les trois membres de cette commission citoyenne. Nous avons récolté leur ressenti sur leur rôle de membre. 

Des motivations variées

Pour encourager les inscriptions à l’expérimentation de la commission citoyenne, le Conseil départemental a utilisé plusieurs supports de communication : un appel à candidatures large par la presse, la caravane du budget participatif et un courrier aux associations. C’est par ce biais que Nadine, Francis et Claude ont découvert le lancement de la commission citoyenne. Mais qu’est-ce qui a motivé leur participation ?

Les motivations sont variées. Nadine était curieuse de voir de l’intérieur comment le Département allait mener cette expérience, “je voulais découvrir comment ça allait se passer de plus près car ce n’est pas une démarche courante”. Intéressé par les démarches citoyennes, c’est tout naturellement que Claude s’est inscrit à la commission citoyenne, “c’est le fondement de notre démocratie et on a intérêt à s’approcher quand il y a des démarches innovantes de ce type”. Francis a lui pensé que s’investir dans la commission citoyenne était une bonne occasion de mieux connaître le territoire du département. Tous ont également déclaré que c’était une manière de s’intégrer davantage en rencontrant de nouvelles personnes.

Une instruction en présentiel et en ligne 

Claude rappelle que la mission principale de la commission citoyenne est de procéder à l’étude de recevabilité de toutes les idées déposées, plus de 600 en 2019, et ainsi “retenir les projets éligibles”. En l’espace de quelques semaines, les membres se réunissent plusieurs fois à Périgueux pour accomplir leur tâche. Au cours des réunions, les membres de la commission citoyenne sont répartis en groupes de quelques personnes et accompagnés par un agent du Département. Ils disposent d’un lot de projets à étudier. Ces projets sont attribués de manières aléatoire à tel ou tel groupe. Il n’y a pas de groupes dédiés à une thématique ou un territoire en particulier. 

Francis précise que chaque groupe a pour mission “d’analyser tous les projets qui lui sont attribués et ensuite de trier et retenir ceux qui correspondent aux critères de recevabilité”. Cette analyse ne suppose pas un jugement personnel mais bien l’application stricte des critères de recevabilité des projets précisés dans le règlement du budget participatif, “il y a des projets qui sous tendent un intérêt personnel, privé et non collectif donc il fallait bien les éliminer” (Nadine). Claude affirme que chaque membre du groupe donnait son avis sur les projets, “autour d’une même table, les 7 ou 8 personnes pouvaient s’exprimer librement et on recueillait l’avis des uns et des autres”.

Photo d'une réunion de la commission citoyenne au cours de l'instruction des idées.

Rapidement après le lancement de la commission citoyenne, le Département a choisi d’ouvrir un espace d’instruction privé sur sa plateforme numérique de budget participatif. Les membres pouvaient ainsi préétablir des préconisations sur les idées à instruire. Ces préconisations étaient validées lors de la réunion suivante. Selon Nadine, “c’était bénéfique de pouvoir regarder ou donner un avis sur les projets à instruire directement sur la plateforme. Tout le monde ne pouvait pas venir à chaque réunion et comme ceci même les absents pouvaient s’exprimer”. Les membres se sont aussi bien investis en réunion que sur la plateforme numérique puisque plus de 1700 commentaires ont été déposés dans l’espace d’instruction privé. Face aux difficultés d’organisation de réunions engendrées par l’épidémie de COVID 19, le Département de la Dordogne a décidé de renforcer l’usage de cet espace d’instruction privé à destination des membres de la commission citoyenne au cours de la deuxième édition.

En complément des missions principales, quelques membres de la commission citoyenne ont participé à la commission de dépouillement à l’issue de la phase de vote, “on était 8 à superviser le dépouillement : 4 personnes du Département et 4 membres de la commission citoyenne” (Francis). Leur mission était de dépouiller les bulletins papier récoltés sur les marchés et déposés dans les mairies. Après le dépouillement, ils ont ensuite validé la liste des projets lauréats. Cette pratique s’inscrit elle aussi dans une volonté de transparence.

“On arrivait facilement à se mettre d’accord au cours de l’instruction”

L’étape d’instruction est la plupart du temps réalisée par les agents des collectivités. Les citoyens sont eux rarement associés à cette démarche. Pour autant, rencontrent-ils des difficultés particulières ? A entendre les membres interrogés, la réponse est plutôt non.

Tous sont d’accord pour dire que le travail d’instruction s’est fait assez naturellement, “on arrivait facilement à se mettre d’accord au cours de l’instruction. On connaissait les critères : l’intérêt général, la faisabilité dans l’année, les limites de budgets, etc” (Claude). L’application de critères objectifs de recevabilité laisse peu de place aux doutes, “il y avait des critères relativement stricts à respecter. Dans mon groupe, quelquefois les gens auraient bien choisi des projets par affinité ou sentimentalement. Il fallait éviter ce genre de choses. C’était la principale difficulté” (Francis). 

Photo d'une réunion de la commission citoyenne au cours de l'instruction des idées.

Si opérationnellement l’instruction par la commission citoyenne n’a pas rencontrée d’accrocs, en revanche quelques membres n’ont pas toujours trouvé aisé la communication sur leur rôle auprès de la population. Nadine a par exemple observé que certains citoyens n’ont pas bien compris quel était le rôle de la commission citoyenne, “la communication avec la population n’a pas toujours été simple. Notamment quand nous avons éliminé certains projets qui n’entraient pas dans le cadre de recevabilité. Certaines personnes disaient : vous décidez pour nous. Mais non. Certains porteurs indiquent 1€ de budget pour que le projet soit accepté mais ce n’était qu’une idée et non un projet un tant soit peu structuré” (Nadine). 

Un regard sur les améliorations à apporter

Initialement, la commission citoyenne devait se réunir pour échanger sur les améliorations à apporter au fonctionnement du budget participatif. En tant qu’organe chargé du suivi du budget participatif, il apparaissait pertinent pour le Département d’associer ses membres aux évolutions du dispositif. Malheureusement, l’épidémie de COVID 19 n’a pas permis d’organiser ce temps d’échange.

Interrogés sur les évolutions à apporter au budget participatif, les membres avec qui nous avons échangé ont eu des difficultés à exprimer des préconisations d’évolution. Selon eux, la première édition était déjà bien aboutie, “personnellement, je n’ai pas l’impression qu’on puisse faire beaucoup mieux. On peut faire différemment mais faire différemment ne veut pas dire faire mieux” (Claude).

Francis pense tout de même qu’il faut allonger la phase d’instruction, “les réunions ont été organisées vite et dans un temps relativement court. L’absence de choix dans les dates de réunion a empêché la présence de certains membres”. Conscient de cette difficulté, le Département a en effet prévu d’allonger la durée de la phase d’instruction au cours de la seconde édition du budget participatif. Il n’y a nul doute qu’une réunion d’échanges sur les améliorations à apporter aurait aboutit à des enseignements complémentaires. 

Une expérience positive renouvelée

Enfin, les membres de la commission citoyenne ressentent de la fierté d’avoir participé à ce travail collectif. Claude a particulièrement apprécié d’échanger avec des citoyens assez diversifiés, “il y avait du personnel salarié, des employés de structures sociales, des retraités, des personnes de tout âge. C’était très riche. Je crois que c’est ce qui a fait la force de notre analyse. On avait des yeux, des vues différentes sur les projets et c’est en concordance entre nous qu’on a détecté la recevabilité des projets”. De son côté, Nadine retient surtout que son implication lui a permis d’avoir une meilleure connaissance de son département, “l’observation des projets déposés donne un aperçu des aspirations de la population, même si certains projets sont irréalistes. Ca donne le pouls d’une région, de ce dont les gens ont besoin et ça donne une bonne photographie du territoire”. 

Après avoir participé à cette première commission citoyenne, les membres sont convaincus de son intérêt et de sa plus value pour une collectivité, “je ne vois pas quel intérêt on aurait à s’en passer. Au contraire, c’est un message d’ouverture de la collectivité pour impliquer le citoyen à contribuer à la démocratie de notre pays” (Claude). Ils observent plusieurs effets bénéfiques : une commission citoyenne permet aux membres “de mieux appréhender les difficultés que peuvent rencontrer les agents du conseil départemental” (Claude); elle permet aussi de diffuser plus largement l’information au sein de la population car les membres sont des ambassadeurs du dispositif. 

En bref, une commission citoyenne nécessite d’accorder des moyens supplémentaires à son budget participatif. Les bénéfices sont bien plus enrichissants, aussi bien pour les élus, les agents que pour les citoyens !

Le Département de la Dordogne est convaincu par l’expérimentation. Les inscriptions sont relancées pour la deuxième édition. Inscription sur budgetparticipatif.dordogne.fr.

Découvrez un panorama des bonnes pratiques et une méthode pour la mise en place d’un budget participatif dans Le guide pratique du budget participatif.

Mobiliser les citoyens les plus éloignés de la politique avec le community organizing

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La participation institutionnelle se développe en France et prend de multiples formes : budget participatif, consultations urbaines, ateliers participatifs, conseils de quartiers, etc. Malgré cette offre de participation pléthorique, certains dispositifs ont du mal à atteindre leurs cibles. Les profils sociaux des participants sont souvent assez homogènes et manquent donc de diversité. En parallèle de cette offre institutionnelle, des associations et des collectifs se mobilisent pour faire entendre la voix des personnes les plus éloignées des espaces politiques locaux. Nous avons échangé avec Hélène Balazard, chercheure en science politique à l’Université de Lyon/ENTPE. Son travail de recherche explore le community organizing, une méthode de mobilisation citoyenne anglo-saxonne qui s’importe en France. Découvrez cet entretien.

Qu’est-ce que le community organizing et quels sont ses principes ?

C’est l’auto-organisation de la société civile dans une communauté de territoire pour viser l’amélioration de leurs conditions de vie et le développement de leur pouvoir d’agir. C’est difficile à traduire en Français. Il y a ce qu’on appelle les alliances citoyennes mais dans le milieu de la recherche, voire militant, on garde le terme de community organizing parce qu’il y a la dimension de communauté qui n’a pas tout à fait la même signification que le mot community et organizing. Il y a le gérondif qui est l’idée d’organiser une communauté. Community ça peut signifier un quartier, une ville, etc.

La notion d’auto-organisation est importante. Le grand principe, c’est de faire en sorte que ce soient les premiers concernés qui définissent leurs problèmes. Développer le pouvoir d’agir de ceux qui en ont le moins. Aller vers ceux qui ont le moins de pouvoir. Voir ce qui les concerne et essayer de leur donner les outils pour interpeller les décideurs et participer aux décisions.

C’est aussi redonner de la place au conflit en démocratie. Ce n’est pas quelque chose de mal d’avoir des moments de conflits. La politique est là pour résoudre les conflits donc si il n’y a pas de conflits à résoudre, la politique est morte. Autant les reconnaître et puis chercher ensemble des solutions. Il y a une phrase d’Alinsky importante : “il n’y a pas d’ennemis ni d’alliés permanents”. Ce qui signifie qu’il faut construire des relations publiques avec tout le monde.

Un des apports du community organizing, c’est qu’il permet d’identifier des problèmes participativement. Le problème remonte des citoyens organisés et l’idée c’est aussi que les citoyens soient en mesure d’identifier les solutions qui leur conviennent le mieux pour convaincre les décideurs de les mettre en oeuvre. Ceci se fait parfois en partenariat avec les décideurs s’ils veulent trouver une solution de manière participative.

Pour élargir les publics de la participation citoyenne institutionnelle, vous préconisez de dédier des moyens humains pour aller vers les personnes qui ne participent pas spontanément… Comment il faudrait faire ? Est-ce que le community organizing est un outil à mobiliser ?

Le community organizing met l’accent sur le fait d’aller vers les personnes les plus éloignées de la politique pour les accompagner. C’est les outiller pour mener campagne sur les sujets qui les concernent et les préoccupent le plus. Comme le logement et l’emploi ou la lutte contre les discriminations. Ou alors des micro-campagnes sur des choses que l’on peut obtenir très rapidement : des lampadaires, des petits problèmes hyper locaux qui sont assez anecdotiques mais qui permettent de mobiliser des personnes qui ne croient pas en leur capacité d’action et de changement. Les petites campagnes sur le cadre de vie existent dans le community organizing. Elles ne sont pas une fin en soi mais un moyen de mobiliser des personnes quand elles pensent qu’elles n’ont aucun pouvoir. Elles apprennent qu’en interpellant les décideurs on peut obtenir gain de cause. C’est surtout un moyen de former de nouveaux leaders et mobiliser de nouvelles personnes. Ces petites campagnes visent plus particulièrement à régler des problèmes plus primaires et prioritaires autour du logement, de la sécurité, de l’éducation.

Est-ce que le modèle s’applique bien en France alors que le terme de communauté est vécu péjorativement en France ?

On nous l’a beaucoup dit mais dans les faits non. Car si on y réfléchi, c’est très théorique que le terme de communauté soit vécu de manière péjorative en France. Au final, les gens fonctionnent quand même en communauté. Et même les plus riches. Les sociologues Monique et Michel Pinçon Charlot l’ont bien démontré. Il y a du communautarisme chez beaucoup d’élus et de partis politiques, notamment au niveau local. Après le fait est que les critiques du communautarisme servent surtout à critiquer une religion en particulier. Et ça c’est problématique.

Est-ce que le community organizing souffre de cette stigmatisation pour sa diffusion en France ?

L’idée du community organizing n’est pas de créer du repli sur soi communautaire. Les organisations qui sont les étendards en France du community organizing, ce sont les alliances citoyennes de l’agglomération de Grenoble et Aubervilliers. Il y a aussi une organisation à Rennes qui s’appelle “Si on s’alliait ?”. On est bien sur la thématique de l’alliance et non de l’entre-soi.

Il faut voir les communautés en tant que petites écoles de la démocratie. Des endroits où on s’organise à plusieurs. L’idée n’est pas de stigmatiser ces petits groupes qui existent et faire en sorte qu’ils restent entre-eux mais de les ouvrir vers la grande société et créer des passerelles. Tant qu’on les stigmatise, on va créer cet entre-soi qu’on pense pourtant combattre. L’idée du community organizing est de relier des communautés, des petites écoles de la démocratie entre-elles pour les valoriser. C’est important que les gens se socialisent à la petite politique pour pouvoir participer à la grande politique.

Existe-t-il différents modèles de community organizing ?

Il y a plusieurs modèles de community organizing et notamment des modèles où les membres sont des individus. Donc là l’objectif c’est recréer une forme de corps intermédiaires. Dans le modèle de London Citizens, les membres sont des groupes. Donc le but est de valoriser ces groupes qui existent en faisant en sorte qu’ils travaillent ensemble sur des sujets qu’ils ont en commun car l’union fait la force.

Vous prônez la diversification des modes d’expression et d’écoute pour faire en sorte que les personnes les plus éloignées de la politique puissent s’exprimer. Quels sont les formats d’expression que vous avez en tête ?

Dans les modèles où les membres sont des individus, le format de base c’est en effet le porte à porte. Dans le modèle où les membres sont des groupes, la méthode est plutôt d’aller voir les groupes qui préexistent. Donc beaucoup d’associations cultuelles, d’établissements scolaires, des centres sociaux. Mais notamment les églises, les synagogues, les mosquées, les temples. Finalement dans un quartier, c’est aller à un endroit où il existe des liens de sociabilité sur lesquels on pourrait s’appuyer. C’est aussi une manière de toucher parfois les personnes les plus précaires. Souvent ces personnes sont accueillies par une communauté cultuelle et/ou d’autres communautés. Ces communautés font souvent un travail pour aller vers les personnes les plus pauvres. L’idée est de décupler la mobilisation en passant par des formes déjà existantes d’organisations qui ne sont pas en tant que tel sur le terrain politique. C’est s’appuyer sur cette base pour aller vers les personnes les plus éloignées de la politique et gagner en pouvoir d’agir.

Quelle est la réception par les institutions politiques du community organizing ?

Le community organizing vient en complément de la démocratie représentative car le community organizing incite les gens à aller voter. A Londres, avant chaque élection municipale, ils organisent les “accountability assembly” où l’assemblée invite les principaux candidats aux élections municipales. L’assemblée fait une campagne d’écoute en amont pour identifier les 5 priorités sur lesquelles leurs membres ont envie que le prochain maire agisse avec des solutions déjà identifiées.

Si le maire sortant est candidat à sa réélection, ils font le bilan de ce qu’il avait promis avant son élection. Il se fait applaudir ou huer. L’assemblée fait des demandes pour la prochaine mandature et chaque candidat a un temps de parole défini. Les temps de paroles sont maîtrisés par London Citizens. Ils demandent au futur maire de s’engager pour faire des points réguliers sur l’avancée de ses promesses. Ils essaient de recréer du lien et de la confiance. Il y a beaucoup de gens qui ne votent pas parce qu’ils pensent que ça ne sert à rien et qu’il n’y a plus aucun lien. Ils ont perdu confiance en la capacité des élus de les représenter. Là ils essaient de recréer ce lien.

Souvent les candidats sont preneurs de ce type de rencontres. Lors de la dernière assemblée, il y avait 5000 personnes à Londres. Ils arrivent à réunir une image du “citoyen ordinaire” de Londres car il y a tous les âges, toutes les couleurs, toutes les religions et tous les looks. Ce n’est pas un public homogène comme ils en ont l’habitude dans les meetings politiques ordinaires. Les candidats apprécient d’avoir l’impression d’être au contact du “citoyen ordinaire”. Pendant ces assemblées il y a toujours un stand avec une association qui est là pour aider les gens à s’inscrire sur les listes électorales.

Quels sont selon-vous les défis à relever de la démocratie participative institutionnelle aujourd’hui en France ? Est-ce que c’est par exemple renforcer la démocratie d’initiative citoyenne ?

Un des défis c’est de reconnaître la démocratie d’interpellation et reconnaître qu’il peut y avoir des conflits. Les élus doivent être formés au fait qu’ils peuvent se faire interpeller et donc apprendre à réagir dans ces cas-là. Si on a une interpellation inhabituelle, au lieu de se refermer il faut savoir être réactif.

Après je pense qu’il y a un défi d’ordre constitutionnel. Il faut élargir les domaines possibles des expérimentations démocratiques. Comme avoir des élus qui tournent, des représentants tirés au sort tous les ans.

Je pense que la richesse de la démocratie se trouve dans la multiplicité des expériences et des formes de participation parce que tout le monde est différent et a envie de participer de manière différente pour différentes raisons et à différents moments de sa vie. Il faut des outils de participation en ligne, des choses en face à face pour que le tout se complète.

Selon vous, un autre défi démocratique est de mieux éduquer à la citoyenneté dès le plus jeune âge…

Je compte explorer en quoi le community organizing peut être un outil d’éducation à la citoyenneté dès le plus jeune âge. A Londres, il y a des établissements scolaires qui sont membres de London Citizens dans le cadre de leur éducation à la citoyenneté. Ce qui permet aux enfants de développer une citoyenneté proactive contrairement à ce qu’on peut voir en France. C’est une caricature mais notre éducation à la citoyenneté rend les citoyens passifs et critiques alors que nous pourrions être plus proactifs et essayer d’identifier ensemble des solutions.

Plus il y a d’expériences et de moyens possibles de participer, plus la démocratie est riche. Ces richesses s’acquièrent dès le plus jeune âge. Pour être créatif en matière de démocratie, il faut avoir confiance dès le plus jeune âge en sa capacité d’action. Il faut être en mesure de se dire que dans une situation insatisfaisante, plutôt que de seulement râler, déprimer et ne plus voter : “je vais essayer de regrouper des personnes autour de moi qui sont d’accord, mener des actions, trouver des solutions, interpeller les élus”.

Références bibliographiques d’Hélène Balazard :
Agir en démocratie, Éditions de l’Atelier, 2015.
Ma cité s’organise, Community organizing et mobilisations dans les quartiers populaires, Mouvements, vol. 85, no. 1, 2016.

Pour en savoir plus sur le community organizing :
– Site de l’institut Alinsky : https://alinsky.fr/

Budget participatif et commission citoyenne : mode d’emploi

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En juillet dernier, le Département de la Dordogne a lancé son premier budget participatif. Souhaitant permettre aux citoyens de gérer une partie du budget, le Conseil Départemental est allé au bout de la démarche en associant son budget participatif à une commission citoyenne.   Cette dernière permet d’instaurer plus de délibération au sein d’un dispositif où les projecteurs sont le plus souvent tournés vers les chiffres de participation. Jean-Christophe Labails, conseiller technique au cabinet du Président du Département, Germinal PEIRO, nous précise le fonctionnement de la commission citoyenne du budget participatif Dordogne-Périgord.

Qu’est-ce que c’est une commission citoyenne ?

En bref, une commission citoyenne est un groupe composé de citoyens et (parfois) d’élus. Garants de l’intégrité de la démarche, ils sont chargés du suivi du budget participatif et de ses évolutions. D’une collectivité à une autre, les missions et la composition des commissions citoyennes diffèrent. La commission citoyenne du Département de la Dordogne est un exemple parmi d’autres mais la méthodologie employée ici est selon nous une belle source d’inspiration !

Pour Jean-Christophe Labails, la commission citoyenne est un organe du budget participatif, “le principe est de laisser les citoyens gérer une partie du budget d’investissement du Département”. Plutôt que confier intégralement le suivi du dispositif aux agents du Département, la Dordogne a fait le choix de créer une commission citoyenne pour déléguer une partie de la gestion aux citoyens. Dans les années à venir, l’objectif est de faire en sorte que le citoyen ait encore plus d’emprise sur le dispositif, “on est sur une première édition donc les élus ont décidé d’un règlement mais l’objectif est que les citoyens puissent le faire évoluer à l’avenir”. Puisque l’enveloppe budgétaire est votée, charge aux citoyens de s’en emparer comme ils le souhaitent !

Une composition mixte

La commission citoyenne de la Dordogne est composée de citoyens et d’élus, “le nombre d’élus respecte la proportion des groupes politiques du Conseil Départemental”. Du côté des citoyens, un appel a été lancé auprès des associations connues par le Département, “le Président les a informé de la tenue du budget participatif et de la création de la commission citoyenne. Il les a invité à suivre cette dynamique”. Au mois de septembre, la caravane du budget participatif qui a sillonné les marchés du département a également encouragé les citoyens à s’inscrire à la commission citoyenne. Ce sont les membres de la commission citoyenne qui ont décidé de la date de fermeture des inscriptions. Pour cette première édition du budget participatif, 115 membres composent la commission citoyenne. 

Une méthode de travail qui alterne présentiel et numérique

Chargée du suivi du budget participatif dans son ensemble, la commission citoyenne effectue des missions qui évoluent au gré des étapes de la démarche : définition des conditions de dépôt et de vote, instruction des idées, validation des projets soumis au vote, veille au bon déroulement de la campagne, évaluation de l’édition pour faire évoluer le règlement l’année suivante… La commission citoyenne n’a pas un simple rôle consultatif mais un réel pouvoir d’arbitrage, “toutes les idées ont été lues par les membres, tous les projets soumis ont été validés en amont du vote”. Les membres tiennent à appliquer le règlement à la virgule près !

Au cours de la démarche, la méthode d’instruction des idées a évoluée,  “en amont de de la commission citoyenne, une commission administrative, composée d’agents, se réunissait pour déterminer la recevabilité des idées sous un regard technique”. Cette commission administrative avait pour but de donner des pistes de réflexion aux membres de la commission citoyenne, “on s’est rendu compte que la plupart du temps, les avis de la commission administrative étaient les mêmes que ceux de la commission citoyenne”. Selon Jean-Christophe, “il y a toujours des raisons objectives pour accepter ou refuser un projet”. L’équipe chargée du budget participatif a progressivement allégé la procédure d’étude des projets après avoir observé que les citoyens pouvaient être relativement autonomes à ce sujet.

Une méthode d’instruction en ligne

De septembre jusqu’au mois de décembre, les membres se sont réunis 5 fois pour l’instruction des idées et plus récemment pour valider les résultats définitifs du budget participatif. L’originalité de la commission citoyenne de la Dordogne, réside dans sa méthode de travail qui alterne des temps de travail en plénière et des temps de travail à distance via la plateforme numérique, “dès la première réunion, ils ont voulu être associés en amont des réunions plénières à la réflexion sur les idées. Notamment parce qu’il y avait la question de la distance”. Pour ne pas pénaliser les membres qui ne peuvent pas se rendre à une réunion, un espace d’instruction privé a été configuré sur la plateforme numérique, “on a créé sur la plateforme un espace où ils pouvaient discuter en amont et déjà pré-établir des préconisations sur les idées”. Plus de 1700 commentaires ont été déposés sur la plateforme par les membres. La preuve que la commission citoyenne a créé une belle émulation collective chez ses membres !

Plus de garanties de transparence et d’intégrité de la démarche

Rien n’oblige une collectivité à mettre en place une commission citoyenne, mais vu les bienfaits observés il serait dommage de s’en priver ! Pour Jean-Christophe, la plus-value numéro 1 d’une commission citoyenne c’est la plus forte implication des citoyens qu’elle génère, “le fait d’être acteur, que les citoyens soient en capacité d’animer et de gérer le budget participatif eux-mêmes”. La seconde plus-value, c’est le gain de confiance des citoyens envers l’intégrité de la démarche, “ils ne peuvent pas avoir de suspicions sur la sincérité de la démarche. Des membres, rencontrés sur les marchés, se sont inscrits car ils étaient sceptiques. Ils nous disaient : on n’y croit plus. Nous les avons encouragés à s’inscrire pour voir d’eux-mêmes. Et ils voient bien que la commission citoyenne fonctionne”. Enfin, ce mode de fonctionnement permet aussi aux “membres de comprendre comment fonctionne une politique publique et comment vivre la décision politique. Ils se réapproprient un espace politique”. Des bénéfices observables pour l’ensemble des budgets participatifs mais qui sont renforcés grâce à l’introduction d’une commission citoyenne.

D’autres vertus sont visibles en interne, au sein de la collectivité. Notamment le changement de posture de l’agent qui passe de technicien à facilitateur de projet. Jean-Christophe prend l’exemple de la phase d’analyse des idées pendant laquelle les agents du Département ont reçu une feuille de route par les membres de la commission citoyenne, “certaines idées impliquaient des dépenses de fonctionnement et étaient donc hors règlement. Les membres nous ont donné comme mission de recontacter les porteurs pour transformer leurs idées. L’idée c’est d’accompagner le citoyen pour que son projet se réalise”. 

L’organisation de la commission citoyenne consomme beaucoup de temps de travail et nécessite de la réactivité. Jean-Christophe considère que créer une commission citoyenne “est plus lourd mais aussi plus intéressant et stimulant”. Que retenir donc de cette expérience ? Au delà des chiffres de participation, un groupe plus restreint qui fournit un travail qualitatif aussi précieux est également le symbole d’une belle vitalité citoyenne !

Pour en savoir plus sur le budget participatif Dordogne-Périgord.